Sunday, January 30, 2011

travail et voyages

J’avais commencé à vous écrire jeudi pendant que j’étais à REVS+, mais la patronne est arrivée et j’ai dû fermer la fenêtre. Alors pour commencer, voici un peu ce que je vous racontais.
À REVS+, il y a plusieurs cellules. Eve et Simon travaillent à la clinique médicale où les gens vont pour se faire dépister, donner leurs médicaments, faire leur suivi par rapport au VIH. Mais il y a aussi la cellule OEV, orphelins et enfants vulnérables, qui travaillent en partenariat avec la pédiatrie de l’hôpital. Eve m’a mise en contact avec une super chouette fille, Christèle, qui m’a prise sous son aile. Alors quand c’est tranquille à la clinique médicale, je monte rejoindre Christèle. (monte pas dans le sens d'étages mais bien de petite côte... sur laquelle je croise toujours un gars qui me parle en dioula, à qui je réponds que je ne parle pas dioula, et qui me dit que je dois l'apprendre... cette conversation tous les jours, à quoi s'ajoute une petite phrase en dioula de ma part pour lui prouver que je fais des progrès!) Le premier jour, elle m’a montré ce que la cellule fait, en me faisant lire le rapport annuel de 2010, que j’ai aidé à corriger et à mettre en page. Voilà quelque chose dans quoi je suis bonne! Mais outre cela, c’est vraiment intéressant ce qu’ils font à OEV. Ils organisent entre autres quatre groupes d’échange qui se rencontrent une fois par moi. Il y a un groupe pour les enfants infectés, un pour leurs parents, un pour les enfants infectés et ceux qui sont affectés (c’est-à-dire  dont la vie est d'une façon ou d'une autre affectée par la malaide) et un dernier pour les femmes enceintes et les mères allaitantes qui ont le VIH. En janvier, les différents groupes ont fait le programme des thèmes dont ils voulaient discuter, et les responsables de OEV vont préparer des ateliers pour les différents thèmes, ou inviter des professionnels comme des nutritionnistes, des pédiatres, etc. Il y a aussi des sorties prévues pour le groupe des enfants infectés et affectés. Ça a l’air de bien marcher, et c’est très bien! Christèle m’a invitée à assister aux rencontres. J’ai bien hâte de voir, même si je me rends bien compte que je serai spectatrice. Comment pourrait-il en être autrement? Mais je suis contente d’en être.
Sinon j’ai aussi commencé des ateliers de tricot. Mardi, il y avait 5 personnes, des employés de REVS+. Seulement 2 ne savaient pas déjà tricoter, et elles apprennent vite! Il va falloir que je leur fasse commencer des projets, sinon mes élèves vont s’ennuyer! Ah le tricot, qui aurait dit que tu me suivrais jusqu’en Afrique!
Jeudi soir, Eve n’allait pas très bien et avait besoin de partir prendre l’air, alors on s’est pris des billets pour Banfora, une petite ville touristique sur la route de la Côte d’Ivoire, au sud du Burkina. Pour ceux qui lisent le blog de Eve, c’est l’endroit où il y a la cascade que les gens paient pour aller voir. Nous n’y sommes pas allé, on a paressé sur le bord de la piscine de l’hôtel. Eve a dû dormir 18 heures dans notre séjour de 30 heures! Moi j’ai lu. J’ai lu. J’ai lu. Ça a fait du bien de se retrouver dans la verdure pour une journée et demie, pas trop de poussière et des fleurs! On est rentré hier soir, et on est allé voir un spectacle… qui a commencé avec 30 minutes de retard à cause d’une coupure de courant. La première partie était assurée par un chanteur ivoiro-burkinabe dont j’ai oublié le nom, qui s’est mis à faire du lip-sink sur une chanson très enflammée… il était seul sur scène et dansait et chantait… sans toujours avoir son micro près de sa bouche… et des fois il ne chantait pas mais la voix continuait. J’avais l’impression de voir un ado qui s’amuse dans sa chambre, tout concentré sur ses pas de danse qu’il a plus l’air d’expérimenter que de maîtriser. J’étais gênée! Mais pas le public autour, on dirait. Bon. Quand le véritable show a commencé, là c’était hot. 3 percussionnistes, un guitariste, un bassiste, un claviériste, deux back vocals qui se dandinent et deux ados qui dansent comme des fous. Ils étaient tellement sympathiques! La chanteuse était très bien, et la musique aussi. J’étais finalement bien dedans quand il y a eu une nouvelle coupure de courant. Bon, les coupures de courant, c’est souvent volontaire. C’est la ville qui, pour économiser l’électricité, arrête le courant dans les différents quartiers à tour de rôle. L’électricité vient de centrales hydorélectriques, et comme il y a de moins en moins d’eau, et que ça va empirer jusqu’aux pluies de mai, on peut s’attendre à avoir de plus en plus de coupures. Je vous en reparlerai sûrement.
Aujourd’hui, on allait à Dafra voir les poissons sacrés. Ceux qui veulent voir des photos de ces poissons, allez voir le blog de Eve, http://lestoubabousdebobo.blogspot.com/2011/01/dimanche-dernier-nous-sommes-alles.html
On est parti 8 dans la voiture sans suspension d’Abou. Comme je ne savais pas à quelle distance c’était, j’ai commencé à m’inquiéter de la route quand on s’est mis à cheminer sur une voie de terre à peine plus large que la voiture et qui a entièrement redéfini pour moi le mot « défoncé ». En fait, il s’agit, d’après ce que j’ai vu, d’un espace creusé par le passage des voitures à travers un champ. Inutile de dire que ce n’est ni pavé, ni lisse. Si j’avais pensé que le chemin Vignat qui monte sur les coteaux de Jurançon est étroit, eh bien, je n’avais rien vu. Là, les bords de la voiture touchent littéralement le bord de la route creusée. On a roulé à 5 km/heure pendant une quinzaine de minutes avant d’arrêter devant une maison pour discuter du prix pour le guide. On devait ensuite marcher 20 minutes sous le soleil, dans un décor qui fait penser à l’Arizona, et évoluer dans un chemin de pierrailles qui descend vers le ruisseau des poissons sacrés. Le décor était magnifique. J’ai demandé à Moussa si c’était un endroit pour touristes ou si vraiment les Burkinabés se rendaient là aussi. Il m’a dit que les Burkinabés s’y rendaient avec des offrandes pour les poissons, pour qu’ils exaucent leurs prières… de guérir, d’avoir des enfants, de trouver du travail. Alors sur la route, on pouvait croiser des gens passer avec des poules vivantes, et même des moutons, qu’ils allaient sacrifier aux poissons. Humm… qu’est-ce qui nous attendait donc, sur le bord de la rivière? Des plumes et des plumes et du sang et des plumes et des boyaux et des peaux de moutons accrochées sur les arbres. Et nous on marchait là-dedans pieds nus, puisqu’il y a des consignes pour approcher les poissons sacrés! L’endroit était sinon très beau et luxuriant, tant qu’on ne regardait pas de trop près. Au retour, je m’attendais à la route, j’ai donc passé ces minutes à travers bosses et creux à composer comment j’allais vous raconter tout ça!



On dirait que vu que ça fait longtemps que j’ai pas écrit, j’ai plein de choses à vous dire, mais je vais en garder pour demain ou un autre jour.
Prenez bien soin de vous!
Je vous envoie de la chaleur!

Monday, January 24, 2011

Le noir et le blanc...

sont les couleurs à éviter pour les vêtements! Avec la poussière et la terre rouge, il n'y a rien à faire, tout se salit dans le temps de le dire!

On a passé une belle fin de semaine. Eve était en congé, alors on est sorti vendredi soir voir un concert de djembés. Oli, tu aurais adoré. À la fin, ils ont invité les gens à venir jouer avec eux et ils ont jammé. Avec des gens dans l'assistance qui se lèvent et vont faire leur show de danse, un à la fois, pendant 30 secondes. C'était vraiment quelque chose!
Comme ça a fini tôt, on est allé danser, Eve, Anne la mère de Simon, Abou et Moussa, deux amis burkinabés. Je m'imaginais que ce serait comme quand j'étais sortie à Abidjan, avec les filles qui se disputent la place devant le miroir. Oui oui, elles dansent en ligne devant le miroir. Moi, évidemment, je laisse volontiers ma place. Finalement il n'y avait pas de miroir, mais un DJ qui souhaitait prendre toute la place. Je pense qu'il ne laissait pas 15 secondes de musique sans commenter la vie, les gens qui étaient là, ceux qu'il connaissait "Eh le papa qui est là, bon appétit, et vous savez, je me marie demain, il y a mon ami qui vient d'entrer, bonne arrivée!" et ça n'arrêtait pas... jusqu'à ce qu'il annonce "musique sans frontière", ce qui voulait dire qu'une chanson américaine s'en venait. On a dansé sur une toune country, sur "I've been thinking about you", qui me ramenait à mon début de secondaire! On s'est vraiment bien amusé.
Samedi, on est allé à la guinguette, qui est une rivière à environ 15 km. Il y avait Eve sur la moto d'Abou et moi sur la moto de Moussa. Est-ce que je peux vous dire que je m'ennuyait de Paulette, mon scooter? Ciel que j'avais mal au derrière. Sans compter que pour se rendre jusqu'à la rivière, il fallait passer dans une route de sable. Quand le sable est tapé, c'est comme rouler sur un peu de neige, pas facile mais pas impossible. Quand le sable est mou, imaginez rouler sur un deux roues dans 15 cm de neige. La folie. On a planté quelques fois, évidemment, mais les gars étaient bons.
Il y avait des gens qui se baignaient, l'eau avait la température idéale (autour de 90 F?) mais une fois que Eve m'a dit qu'il y avait des vers dans la rivière qui pouvaient entrer par la peau et aller se loger dans la vessie et et et et, j'ai décidé de ne pas me baigner!!!
Au retour, j'ai demandé à Moussa pourquoi il y avait des gens qui transportaient un mètre cube d 'herbe sur leur vélo, qu'ils poussaient à bras dans les côtes. Il m'a dit que c'était des gens qui allaient à la campagne chercher l'herbe pour ensuite la vendre aux éleveurs en ville. C'est que la végétation est assez limitée à ce temps-ci de l'année. Il ne pleuvra qu'en mai, et ça paraît. Quand on voit des plantes près des maisons, on sait que la personne a de l'argent. Parce que l'eau est rare et se paie. Si tu as de l'argent pour te payer de l'eau pour quelque chose d'aussi futile que de la décoration végétale, c'est que tu es riche. Nous, on est riche. On va bientôt aller se chercher des plantes, et des plants de basilic, parce que c'est si bon!
Parlant de bouffe, je me suis faite très rapidement au riz sauce. Tomate, principalement. Je trippe pas sur la sauce arachide, et Eve me dit que la sauce aux herbes n'est pas très bonne. Alors quand il y a de la sauce tomate, c'est ce que je choisis. Il s'agit de beaucoup de riz avec un bol de sauce un peu claire et grasse dans laquelle baigne 2 morceaux de viande. Ça va, je peux vivre avec ça! Quand on est à la maison, on se fait des salades, des pâtes (miam!), ou des curys. Je n'ai pas à me plaindre sur la bouffe jusqu'à maintenant!
Ah, et hier je me suis fait tresser! Je suis allée dans la famille d'Abou, et sa soeur Aissa et sa nièce Coro m'ont tressée. Je me trouve assez belle! Je vous mettrai des photos la prochaine fois (là je suis au dispensaire et mon appareil est à la maison). Je me suis aussi acheté des pagnes (du tissus) pour me faire faire des robes. J'ai yâte!
Dernière chose avant de retourner travailler, j'ai eu ma première expérience de véritable taxi hier. Généralement, ce sont Abou et Moussa qui nous conduisent dans leur taxi, et ils ne prennent pas d'autres clients quand on est là. Mais hier soir, on est sorti, Eve et moi, et on a pris un taxi dans la rue. Bon, les taxis, ici, c'est comme des autobus sans itinéraires précis. On paie un prix fixe par personne, et le taxi nous amène où on veut. Et embarque des gens tant qu'il y a de la place. Hier, on était 4 filles sur la banquette arrière (inutile de vous dire que je n'ai pas les plus petites fesses au monde, alors à 4, c'était serré!). On s'en allait mettons au nord, mais une des filles qui étaient là avant allait au sud-ouest... donc on est allé la porter, ensuite nous. Je ne sais pas où allait la dernière, mais j'espère qu'elle n'était pas pressée!

Merci pour vos messages d'encouragement!
Je vous embrasse et vous dis à bientôt

Friday, January 21, 2011

il faut que je me parle!

Oh la la, j’ai flanché pour la première fois ce matin. J’étais au dispensaire avec Eve, on est allée prendre le thé, et là, les larmes dans mes yeux, le cœur dans la gorge… Eve m’a ramenée à la maison, et j’ai dormi comme une bûche pendant 2 heures. Ciel, je ne suis pas si moumoune, me semble? Mais, je me le répète, je ne suis pas dans mon élément. Je ne suis pas dans mon élément. Je ne suis pas dans mon élément.  Il faut que je me le répète pour ne pas piétiner, pour freiner mon impatience. Je suis venue ici pour sauver le monde, moi, pourquoi je ne peux pas me lancer? Parce que ce n’est pas si simple. Et Amélie, calme-toi, tu es arrivée lundi! Ok, bon, hier je me suis parlé. Je ne sais pas comment faire, je ne sais pas comment aborder les gens, je ne sais pas ce qui est approprié. Je ne sais rien, je dois me laisser le temps. Je dois observer.
Bon, comme je suis prête à accepter ça, la patience dans l’action, je me suis dit que j’allais apprendre le dioula. Voilà, ce sera mon activité quand je me sentirai inutile. J’ai demandé à Simon de me prêter ses livres de dioula. Le premier, un dictionnaire. Ok. Le deuxième, un ouvrage de linguistique sur certains aspects de la langue dioula. J’ai dévoré. Ah ah, là je suis dans mon élément! La fonction distinctive des tons en dioula, les dérivatifs préfixés, l’alternance entre les consonnes sonores et les consonnes sourdes. Ça ça me parle! Je souriais dans le vide. Ça je comprends. Alors je demande conseil à Simon sur ce qui se dit ici, le sourd ou le sonore. Et là il dit « ah, médicaments c’est pas fra, c’est fla! » alors mon sourire réapparaît et je lui dis que dans plusieurs langues, l et r sont interchangeables…  Devant son regard hum hum hein hein, je me rends compte que mon plaisir là-dedans, c’est pas le sien, lui  il est plus à l’aise avec les vrais fla qu’avec leur prononciation! Ça a été un petit moment heureux, un moment de repère rafraichissant. La gang de linguines, vous me manquez!
Quand je ne lis pas les ouvrages sur le dioula à la clinique, j’ « aide » Eve. Je m’assois à côté d’elle pendant les consultations, j’autorise des prescriptions, je pèse les gens au besoin. Et on rit de moi. C’est qui la toubabou qui rit tout le temps? Les patients me voient et se mettent à rire. Eve m’a montré à dire « Kana yélé na », il ne faut pas rire! Ou encore « I ma delika toubabou yé », t’as jamais vu de toubabous? Mais ça c’est juste pour les gens harcelants dans la rue. Comme je ne me suis pas beaucoup retrouvée dans la rue jusqu’à présent, j’en suis encore au stade théorique.
J’écris souvent mais, comme vous le voyez, il ne se passe pas encore grand-chose pour moi. Je suis en adaptation. Je suis en adaptation. Je suis en adaptation. Je suis en adaptation. Je suis en adaptation. Ciel que je suis pas patiente. Ceux qui ont suivi mes périples au Clos Mirabel les deux derniers étés ont une petite idée de ce que je vis en ce moment. Mettons que le contraste est grand entre la responsabilité de gérer toute seule un bed and breakfast dans les Pyrénées et ce qui se passe ici jusqu’à présent! Ah, quel euphémisme!
Mais je ne me plains pas vraiment. J’ai vérifié à l’intérieur, et je suis encore persuadée que je suis où je veux être. C’est pas parce que je rue dans les brancards (j’adore cette expression!) que je doute. Je vous écris pour passer le temps, et aussi parce que je sais qu’il y a des gens qui sont avides de nouvelles. Et sans doute aussi pour faire le point.
Chaque jour est plus facile que le précédent. Ce matin je suis allée chercher le pain toute seule comme une grande J. Là je vais peut-être aller prendre une marche jusqu’à la boutique de la station service pour acheter du papier de toilette. Yé! Je suis sur la voix d’une plus grande autonomie!   
Ce soir, Eve me sort. On va écouter un band. Tout va bien. Elle prend bien soin de moi.

Wednesday, January 19, 2011

voilà, c'est commencé

Aujourd’hui je suis allée travailler avec à peu près une heure de sommeil dans le corps. C’est que j’avais un peu oublié qu’il y avait quand même un décalage horaire… Mais j’ai fait ma journée. On m’a montré l’organisation des dossiers pour que je puisse aller les chercher quand un patient arrive. J’ai aussi assisté à des consultations de Ève. Consultations qui se font moitié en dioula, langue d’ici,  moitié en français. C’est assez fascinant. Mais sur l’heure du midi, c’était plus calme, Ève faisait de la permanence auprès des personnes « hospitalisées », c’est-à-dire deux femmes arrivées de matin dans un piètre état et  couchées dans une petite pièce avec une perfusion dans le bras. Pendant ce temps-là, une douzaine de femmes attendaient 15h, soit l’heure du dépistage du cancer du col de l’utérus, et ce, en regardant la télé (comme quoi, les salles d’attente avec télé sont universelles!). J’en ai profité pour m’étendre sur un lit de consultation, avec des étriers à la place du bout du lit. J’ai steppé quand toute la gang s’est mise à crier en riant. J’ai mis la tête dans la porte et … le Burkina venait de compter contre le Congo! Youppi youppi youppi! Vive le foot!
Je me demandais quand même un peu si mes journées allaient ressembler à ça. J’aurais peut-être envie de travailler avec les enfants, et Ève me dit que je pourrais peut-être aider auprès du CREN, au Centre de réalimentation des enfants nourrissons, ou bien auprès d’orphelins, ou bien à l’hôpital, ou bien au dispensaire, ou un peu de tout ça… C’est toujours ça qui est beau/angoissant au début d’un voyage. Toutes les portes sont ouvertes, je ne sais pas de quoi sera faite ma vie encore… Ça m’est arrivé tellement souvent, plein de projets potentiels, et à la fin du voyage, je repense à tout ça et finalement, c’est bien différent. On va voir.
En cette deuxième journée au Burkina, je dois dire qu’il y a des choses que je trouve plus difficiles. Comme la poussière. Il y a de la poussière partout, partout, partout. Je respire de la poussière. On lave une surface qui sera à relaver une heure plus tard. C’est l’harmattan, le vent qui soulève la terre et rend le ciel rougeâtre de la terre plus rouge qu’à l’Ile-du-Prince-Edouard... Pas de nuage mais pas de ciel bleu.
Ah et le marchandage. On se fera toujours avoir, nous les blancs. C’en est frustrant quand tu as besoin de quelque chose et qu’il n’y a pas moyen d’acheter à un prix raisonnable. Eve dit « Allez, ça c’est un prix de toubabous! », un prix pour les étrangers plein de cash qui ne se rendent compte de rien. On n’est pas Africain, c’est tout.
J’avais apporté des sachets de sauce à poutine, alors on a fait frire des patates, coupé du cheddar en cube et on s’est fait de la poutine. Voir le visage de Maïka, la fille de Eve, qui disait pouvoir en manger tout un immense bol, plus mon restant. Finalement j’ai tout mangé et pas elle. Faut croire qu’après un an, on se déshabitue des choses lourdes et grasses! Moi j’ai trop hâte aux papayes et aux bananes et aux mangues et et et et!
à tout bientôt!

Monday, January 17, 2011

Enfin à Bobo

Je suis bien arrivée. Ça a pris du temps, mais je suis arrivée.  Et tellement bien arrivée!              Quand on a atterri à Niamey, au Niger, j’ai regardé autour et j’ai attendu. Je craignais un peu l’émotion qui allait monter… Et ça a été « enfin… » Un enfin heureux, en paix, j’avais l’impression d’être où je devais être. Alors en débarquant à Ouagadougou, j’étais super zen, presque blasée, un petit sourire « ben oui, moi j’arrive pour 4 mois et c’est très bien ainsi! » Eve m’attendait avec son ami Abou, on barguine le taxi qui nous amènerait chez une autre coopérante, Nathalie, qui habite Ouaga (vous voyez, je suis déjà adaptée, « Ouaga »!).  On a pris un mousseux acheté pour l’occasion, et on est allé manger… quoi? Un riz sauce! Avec un Saint-Emilion pris au Duty Free de Paris! Le pur bonheur! J’étais arrivée, mes bagages avaient suivi, Eve était venue me chercher, je ne pouvais pas être mieux. On est parti aujourd’hui à 14h pour Bobo, dans un autobus climatisé avec télé. CSI-Les experts version burkinabe : « POLICE OUVREZ! » suivi de « ma fille, le meurtrier est ton mari mort qui erre parce que tu refuses de faire la danse des morts et de  le laisser partir » Bon, mais comme je suis heureuse et zen, je souris! Oh que oui, je suis bien.
Et comble de bonheur, Eve me dit que je peux commencer dès demain au dispensaire, ils sont débordés et je pourrai trouver à m’occuper! Youppi! J’avais un peu peur de n’avoir rien à faire, en fait, je n’en savais rien. Alors demain je vais travailler, et demain soir, je m’installe et après on verra bien.
Là je vais dormir pour être en forme demain et apprendre quelques mots de Dioula.
à tout bientôt, kofé

Monday, January 3, 2011

Préjugés prédéparts

À 13 dodos du départ, je vous envoie l'idée que je me fais de certains aspects de ma vie à Bobo. 

Je vais être malade...
Une chance pour moi que je ne suis difficile que sur la bouffe fancy... saumon fumé, fromages fins, câpres, charcuterie italienne. Manger des pâtes 7 jours sur 7 ne m'a jamais fait peur... mais le tô? du riz sauce tous les jours? Ça se peut que, comme tous ceux qui m'ont précédée, j'aie la diarrhée et des maux de ventre comme je peux difficilement l'imaginer, ce qui m'amène à

Je vais perdre 20 livres
Ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose, surtout considérant que je suis en plein marathon de fêtes de famille, d'au revoir aux amis, et de « je vais m'ennuyer des hamburgers, de la poutine, de la lasagne, de la bonne bière » qui me déculpabilisent d'en manger plus que je devrais. Ma bédaine en prend un coup pour l'instant, mais je me rassure en me disant « c'est juste que je fais des réserves »!

Mais plus sérieusement
Je vais trouver ça tough, je vais être révoltée...
En 2001, quand je suis partie sur un coup de tête rejoindre mon oncle et sa famille en Côte d'Ivoire, ça m'a pris un mois à me faire à la culture. Un mois à être fâchée, à trouver que les gens envahissent ma bulle, n'ont pas de respect, quêtent sans arrêt, ne comprennent pas qui je suis, et à ne pas me sentir à ma place. On m'avait dit que les 2 chocs culturels les plus difficiles sont l'Afrique et l'Inde. C'est qu'on n'a pas de repères, aucune chance de se retrouver dans une façon de vivre basée sur le moment présent, parce qu'on ne sait pas de quoi sera fait demain, s'il y aura seulement un demain. Je me disais « je n'ai pas d'argent, je ne peux pas en donner! », tout en sachant que dans mon compte, il y a 5000$. Oui mais c'est pour rembourser mes prêts et bourses, c'est pour payer mon loyer à mon retour, c'est pour acheter des souliers quand ceux-ci seront brisés (ok, ok, et aussi pour quand j'en trouverai une paire « dont je ne peux absolument pas me passer »!!!). Bref, c'est pour... l'avenir. En 2001, j'ai fait face à une absence de conception de l'avenir qui m'a débalancée. Je me sentais agressée par la différence. Bien plus que par la pauvreté ou la maladie. Je pouvais aller enseigner le français dans un village de réfugiés libériens installés dans le grand dépotoir d'Abidjan, parce que même si ça puait, je savais que dans maximum 3 heures, je rentrerais à la villa et je retrouverais mon confort. Parce que je ne vivais quand même pas comme les Africains.
Pendant le 2e mois, je n'étais plus déboussolée, mais ce n'était pas chez moi. Je me disais que j'allais faire mon temps. Et que je ne reviendrais plus en Afrique, il faut reconnaître ses limites. Le 3e mois, j'ai un peu plus compris. Je me suis mise à apprécier le moment présent. À comprendre que si les gens quêtent, c'est parce qu'ils sont conscients que j'ai plus qu'eux. Parce que quand je me suis retrouvée dans le besoin, on m'a aidée. Quand je suis partie avec 3 amis en « road trip » sur le pouce à travers la brousse, on nous a embarqués, même si ce n'était pas dans la culture de faire du pouce, il y a eu des gens pour s'arrêter et nous amener un peu plus loin. Alors après 3 mois, j'étais bien, et comme beaucoup qui l'ont vécu, j'ai trouvé le choc du retour très pénible. Trop de rationnel, pas assez d'humain, trop d'avenir pas assez de présent, trop d'individus, pas assez de communauté. Je n'avais qu'une envie, finir mon bac et repartir...
Je m'attends donc à un choc. Eve, l'amie qui me reçoit à Bobo, me dit que le Burkina, c'est tough. Plus que la Côte d'Ivoire, plus que le Sénégal. Et je la crois. Je ne sais pas à quoi m'attendre, je ne sais pas comment imaginer un « pire », mais au moins je sais comment imaginer un « semblable ». Et je sais que je vais trouver ça dur. Dur de me refaire plonger dans un « autre » qui me demande, pour l'accepter, que je renie un peu de ce que je suis, mes valeurs d'occidentale, de bourgeoise, d'intellectuelle. Je le sais, et j'y suis prête, je suis convaincue que j'en ai besoin, pour me rééquilibrer et me sentir faire partie de cette humanité. Je me doute aussi que, comme la première fois,

Je ne voudrai plus revenir
Mais là, c'est comme de mettre la charrue devant les boeufs, et comme je ne veux pas faire peur à ma mère, à certains de mes amis qui attendent déjà mon retour, j'en parlerai une autre fois.

J'ai hâte. J'ai hâte de comparer ma vie de là-bas à ces préjugés. J'ai hâte d'avoir chaud. Et j'ai hâte d'avoir fini ma correction.
On se reparle bientôt.