Monday, February 21, 2011

le retour


Voilà, je suis bien revenue au Québec… après beaucoup trop d’heures de transit. Je suis partie à 15h de Bobo en autobus vers Ouagadougou… Arrivée à 20h. Vol de Ouagadougou vers Paris à 23h30, arrivée à 5h55. Départ de Paris vers Montréal à 13h30, arrivée à Montréal à 14h50. Total 28 heures de voyageage. Donc je suis au Québec depuis jeudi après-midi, et depuis j’essaie de retrouver mes repères. Je suis vraiment contente d’être rentrée, mais c’est quand même une adaptation. Puis je ne suis pas dans mes affaires, je dois ressortir des boîtes et des valises mes effets d’hiver, de toilette, de tout ce qui constitue un quotidien. J’essaie de prendre le temps de revenir, mais après un mois d’ennui, c’est difficile de me freiner pour prendre le temps de digérer toutes mes émotions. Je sais que je dois le faire. Je le sais. Et je suis tellement bien entourée.
Ah est-ce que je vous avais dit que ma mère et son chum sont partis en Martinique début février et qu’ils reviennent ce soir… en n'ayant aucune idée des aventures qui me sont arrivées ni que je suis finalement revenue. Hey maman, I’m back! M’ennuie de ma mère, en tout cas!

Derniers jours

Samedi avant mon départ, Ève et moi devions aller voir un patient à domicile. C’est un patient de Simon mais comme celui-ci était parti conduire sa mère à l’aéroport, Ève devait aller lui faire ses injections. Quand nous sommes arrivées, il faisait noir. Il n’y avait pratiquement pas de lumière dans la pièce, et je ne voyais qu’une boule enroulée dans des tissus, directement sur une natte recouvrant le plancher. Ève a demandé au patient (que j’appellerai Yan, nom particulièrement non-burkinabé pour être sûre de garder l'anonymat!!) de se tourner pour qu’elle puisse lui faire ses injections dans chaque fesse. Yan ne pouvait pas parler, ne pouvait pas bouger. Ève l’a tourné sur le côté, puis sur l’autre, et a dit qu’elle reviendrait le lendemain, et si c’était possible de le tourner fréquemment, ça éviterait les plaies de contact. On est retourné dans le taxi avec Abou, et là ça m’a frappé. Yan n’a pas pris ses médicaments pendant un bon bout de temps, assez longtemps en tout cas pour que ses CD4 descendent en bas de 50 (normale entre 600 et 1600 il me semble), ce qui a causé une toxoplasmose, une masse au cerveau qui maintenant l’empêche de bouger, parler… Cette masse peut être résorbée facilement avec le bon traitement. S’agit d’avoir le bon traitement. Yan n’aurait jamais pu se payer le traitement, Yan et sa famille peuvent à peine se payer de l’eau et de quoi manger tous les jours. Je vous jure, dans sa condition, moi j’aurais baissé les bras. Je ne saurai jamais comment il s’est rendu là, pourquoi il n’a pas pris ses médicaments pour le VIH (gratuits), pourquoi il s’est laissé dépérir à ce point-là.
Le lendemain, Ève a apporté ce qu’il fallait pour laver Yan, a apporté un matelas pour diminuer les plaies de pression (qui avaient déjà commencé, évidemment), un oreiller, et une chaise inclinée pour le faire changer de position et faciliter le lavage. Yan était en mesure de dire « ça va ». Nette amélioration! Et c’est là que j’ai appris qu’il avait 25 ans (j’aurais donné 50 ans à la boule la veille dans le noir), que comme il a le sida, personne sauf sa mère ne veut le toucher et prendre soin de lui. Mais sa mère est minuscule et ne peut pas le bouger, le tourner et faire tout ce qu’il y a à faire pour prendre soin de lui! Pas toute seule! Alors les toubabous que nous sommes avons montré l’exemple. On l’a donc lavé, partout, puis crémé et massé pour ramener la circulation dans ses muscles, changé les draps imbibé d’urine. Il souffrait visiblement, même s’il ne parlait pas ses yeux restaient attentifs et très conscients. Il y avait plein de monde dehors, probablement des frères et sœurs, d’autres membres de la famille. Et personne ne nous aidait. On était Abou, Ève et moi. On a replacé Yan sur son matelas, Ève a donné ses instructions à la mère, le changer de position toutes les heures, sortir le matelas pour qu’il sèche tous les jours, bouger les articulations de Yan pour ne pas qu’il perde toute sa mobilité. Simon reviendrait le lendemain pour faire les injections.
La mère nous a raccompagné au taxi, le regard plein d’émotion (car chez ces gens-là, on ne pleure pas), nous bénissant de tout son cœur. J’ai à peine eu le temps de fermer la porte que moi je me suis mise à pleurer. Pleurer l’injustice de voir cette mère faire tout ce qu’elle peut en se doutant bien que ce ne sera pas suffisant. Et être seule là-dedans. Mais la mère ne baissait pas les bras. Et ne baisserait jamais les bras. Je pleurais pour la mère. Et je n’arrivais pas à arrêter de pleurer. Ève et Abou m’ont amenée prendre une bière pour décompresser. J’étais vraiment sous le choc. Et j'aurais aimé vivre ça avant, pouvoir me sentir utile comme ça avant. Mais ça ne changeait rien, et que je sois là ou pas Yan aurait les traitements. Mes regrets étaient pour moi.
Le lundi, comme le dépistage en brousse a été annulé, nous sommes retournés le voir, il y avait amélioration dans son état, mais la lueur d’espoir dans son regard avait disparu. La mère semblait toujours aussi combattante, mais quelque chose clochait. J’avais été super optimiste la veille, mais je me remettais à douter. S’il n’y mettait pas du sien, malgré tous les soins qu’on lui donnerait, il ne retrouverait pas la santé, c’était clair.
Mardi je suis allée dire bye aux gens de REVS+. J’étais contente de voir Christèle et Lassiné, un homme qui travaille à la pédiatrie de l’hôpital et que j’avais croisé quelques fois à REVS+. J’ai fait mes bagages, j’étais en paix, les derniers jours se passaient bien, avec Ève c’était plus simple et agréable. Et je rentrais chez moi dans 1 dodo.
Mercredi matin, Ève m’a demandé si je voulais aller voir Yan une dernière fois. Mes bagages étaient prêts, on avait le temps, bien sûr que je veux aller le voir. On est arrêté acheter 30 œufs, des sardines et du riz, pour l’aider à se remettre avec des protéines. On dirait que chaque fois que j’entrais dans la pièce où il était couché, je me sentais démunie, pas à ma place. Jusqu’au moment où on commençait à le laver, à le masser, à lui parler. Et là j’étais en contact, et j’étais bien. Il parlait de plus en plus, pouvait bouger sa tête, ses bras et un peu ses jambes. À un moment je lui ai dit « Yan, je rentre au Canada cet après-midi, donc on ne se verra plus, mais je vais prendre de tes nouvelles par Ève et je vais suivre ta progression. Il faut t’accrocher, et guérir, tu es sur la bonne voix ». Il m’a regardée et sans aucune expression faciale a répondu « Je veux aller au Canada aussi ». Et j’ai éclaté de rire. Il était décidément sur la bonne voie. Après l’avoir lavé et massé, après qu’il ait réussi à manger toute une boîte de sardines par lui-même, nous l’avons réinstallé sur son matelas et je lui ai dit au revoir. On est sorti, et c’est là que j’ai trouvé ça le plus dur. Je me suis approchée de la mère, et on s’est prises dans nos bras. J’étais tellement émue. Soyez courageuse, il va bien aller, je vous souhaite une belle vie, ainsi qu’à toute votre famille. J’avais du mal à la lâcher. Elle m’a fait promettre de saluer tout le monde au Canada, toute ma famille. Alors je vous dis à tous bonjour de la part de la maman de Yan. J’ai réussi à ne pas pleurer, parce que chez ces gens-là, on ne pleure pas. Mais je n’oublierai jamais son regard, son visage.
Ève ne m’a pas encore donné de ses nouvelles, mais je sais qu’elle le fera. Et je sais que l’argent que j’ai ramassé avant de partir va aider cette famille à remonter la pente.

Ève et Abou m’ont amenée à l’autobus. Si vous saviez tout ce qui peut entrer dans le dessous d’un autobus! Des motos, des 20 kg d’oignons… « Merde, j’ai oublié d’acheter un sac d’oignons! ». On placotait un peu en attendant puis Abou a dit « Amélie, il faudrait peut-être penser à acheter tes oignons avant qu’il ne soit trop tard »! Cher Abou, qu’est-ce que tu veux que je fasse avec un sac d’oignons! C’était une blague! Cher Abou. On s’est dit au revoir, « sans rancune sans regrets ». J’étais soulagée qu’on se quitte sur une bonne note.

Dans l’autobus, j’ai vécu mes derniers moments de pure Afrique. À la radio, un mélange de musique africaine, de Francis Cabrel, de Jean-Jacques Goldman, et bien sûr, We are the world, avec tout l’autobus qui chante le refrain. Ah la la!


Préjugés prédépart revisités
Je vais être malade...
Eh bien oui, j’ai été malade. Rien pour me rapatrier, mais assez pour me faire pleurer. Je savais que j’étais entre bonnes mains avec Ève qui est infirmière, et je lui dois une fière chandelle. Je vois mon médecin cet après-midi pour m’assurer que la guérison va bien.

Je vais perdre 20 livres
Malheureusement non. Tout au plus 10, que je devrais sans doute reprendre quand je vais reprendre goût à la nourriture. Pendant mon séjour,j’ai quand même mangé mon quota de riz sauce, et de sandwich à la viande hachée. Je ne peux pas dire que le Burkina soit réputé pour sa fine cuisine, mais je n’ai pas eu faim!

Je vais trouver ça tough, je vais être révoltée...
J’ai effectivement trouvé ça tough. Ève avait raison. Ce n’est pas « beau » le Burkina. C’est sec, poussiéreux, pas du tout moderne. On ne peut pas se dire « Aujourd’hui, j’oublie que je suis ici et je me paie une journée à l’occidentale. » Le décor nous rattrape. Mais ce n’est pas laid non plus. C’est juste pauvre, sec et poussiéreux. Il faut dire que je ne suis pas venue à la bonne saison. Il paraît que pendant la saison des pluies, c’est vert.
Contrairement à ce que j’avais vécu en Côte d’Ivoire, je n’ai pas été envahie physiquement, les gens n'étaient pas dans ma bulle. Mais d’être toujours sollicitée « hey Toubabou hey la blanche hey la blanche la blanche la blanche la blanche » jusqu’à m’arracher un « bonjour ça va et chez vous et la santé… »… Je ne m’y suis pas habituée et ça m’a enlevé complètement l’envie d’aller me promener.
C’est ce qui m’a manqué le plus, les contacts humains. Simples. Je ne pouvais pas m’attendre à avoir des contacts d’égal à égal (il ne faut pas se leurrer, on n’est pas perçu de la même façon quand on a la peau blanche, jamais), mais j’espérais qu’à la longue, je finirais par avoir des amis. Avec qui aller me promener, avec qui aller boire un verre. Mais je ne me suis pas rendue là. J’ai flanché avant. Je pense que quelque part, c’était comme pour le travail, une partie de moi me disait « et si tu restes, malheureuse, et que rien ne change, pourquoi auras-tu tant attendu? » J’avais atteint ma limite. Et je m’en rends compte encore plus maintenant quand je me retrouve avec mes amis et que j’ai envie de pleurer tellement je suis reconnaissante d’être tant aimée. Même si pour le moment je le prends à petite dose. Je prends le temps de revenir.

Comme je l’écrivais à ma marraine, une chose s’est clarifiée, ma place à moi est en occident. Je regarde Ève qui est bien à Bobo, c'est là chez elle maintenant. Et je trouve ça formidable. Pour moi l'important est de savoir où on se sent chez soi. Mais je n'ai jamais été malheureuse en occident, je ne suis pas outrée par nos façons de vivre même si je demeure profondément critique. Je crois que chaque peuple a ses souffrances et ses joies. Et ses défis. Je disais avant de partir pour l’Afrique que j'étais oui une intellectuelle mais que j'avais besoin aussi de l'humain. Peut-être ai-je visé trop haut en allant le chercher là. Peut-être que les défis sont trop grands pour moi.
Je pensais que ça me nourrirait d’être au Burkina, plus proche de l’humain, mais je n’ai rien vu que je ne connaissais déjà. En fait, la première réalisation que je fais, c’est que d’après moi, le problème se situe non pas dans les soins, mais dans l’éducation. L’éducation pour avoir une ouverture au problème de la pollution qui est criante, hallucinante. Au problème de l’hygiène, au problème de la malnutrition, au problème du VIH. Si on n’en est pas conscient, si les parents n’en sont pas conscients, les enfants grandissent là-dedans sans se poser de question. Et le problème reste. Je ne suis pas nourrie par la pauvreté, par la maladie. Ça me rappelle la chance que j’ai, la chance qu’on a, mais je ne suis pas convaincue qu’en restant là-bas j’aurais pu grandir encore. 

N'empêche, je suis contente d'être allée. C'était un rêve que j'avais depuis si longtemps, et j'avais besoin d'aller voir. Je suis convaincue que ce type d'aventures convient à certains, et je pense que dans d'autres circonstances, j'aurais pu y trouver mon compte. Cette expérience m'a beaucoup appris sur ce que je suis et ce que je veux. Je ne regrette rien et je remercie toutes les personnes qui ont été là pour moi, au Burkina et ailleurs dans le monde.
Merci à tous d’avoir partagé cette aventure avec moi. Merci pour votre support. Au plaisir de vous revoir

Petits clins d'oeil 


Un petit feu de poubelle pour bien se réchauffer!


Hum... je prendrais bien ce pantalon, non, celui à la branche du dessus!


Pas besoin d'entrer voir, tout est là pour le plaisir des yeux!

 Est-ce que vous voyez bien ce qu'il transporte, le monsieur? Et on les entendait crier, ces pauvres bêtes!

J'ai quand même réussi à freiner mes élans de magasinage, même si pour les motos et les souliers, ça a été dur vu le grand choix offert!


Sunday, February 13, 2011

tout va mieux qui finit bien

Bonjour à tous
Merci pour tous vos messages. Merci pour votre support. La santé se rétablit tranquillement, je ne fais plus de fièvre, on a enfin trouvé ce que j'avais, une amibiase, des organismes unicellulaires logés dans mes intestins. Je prends les médicaments qu'il faut, je retrouve peu à peu l'appétit (peu à peu c'est le cas de le dire!) et les nausées se font moins fréquentes. Tout va bien aller.

Et j'ai décidé de rentrer. Et je suis bien avec ça. C'est bien réfléchi et bien accepté. J'espère que vous ne m'en voudrez pas de vous priver de 3 mois d'aventures africaines! Mais on en vivra d'autres ensemble, pour les gens du Québec du moins.
Je rentre donc mercredi, je devrais être à Sherbrooke en fin de semaine.

Je vais sans doute avoir d'autres aventures à vous raconter, puisque je vais faire une journée de dépistage en brousse demain avec l'équipe de REVS+. Le jour de la Saint-Valentin, drôle de moment pour faire ça, mais bon. Ce sera de la piqûre à la chaîne, on va s'apporter beaucoup d'eau et beaucoup de courage. Je vous raconterai.
Bon dimanche à tous et à très bientôt!

Friday, February 11, 2011

quand ça va mal...

Mercredi, j’ai écrit à ma cousine agente de voyage pour savoir ça coûterait combien de revenir plus tôt, genre maintenant. Je n’en pouvais plus, je dépérissais. J’ai écris à ma marraine et à une amie ce que je vivais pour qu’elles m’aident à voir clair. Je ne suis pas utile! On m’occupe pour me faire plaisir mais je sers à rien, je fous rien, j’attends et on continue de me dire d’être patiente. Mais patiente pour quoi? Pour qui? Pour moi? Mais moi j’ai pas besoin d’être ici! Je pensais tellement que je pourrais être utile, mais je me heurte à des portes fermées. Les gens sont gentils et accueillants, mais ils n’ont pas besoin de moi. Je suis venue ici comme bénévole, sans organisme pour me prendre en charge, sans compétences particulières, alors c’est normal que ce soit dur. Même ceux qui viennent ici avec un contrat ont du mal à s’occuper! Alors vous imaginez moi. En même temps, j’ai de comptes à rendre à personne, je n’ai pas de contrat, rien du tout. Alors je fais ce que je veux… pour le meilleur et pour le pire.
Pendant toutes ces longues heures à ne rien faire, j’essayais de me dire de voir ça comme des vacances dans le sud. Mais un mois dans le sud, je dépérirais aussi, je vous jure! Alors je m’éteins.  Je ne ris plus, je ne rayonne plus, je ne souris plus. Et à la maison ça devient lourd parce que je ne suis pas bien. Et voilà, pendant que j’étais occupée à me poser un million de questions, pendant que j’étais incapable de me décider, hop, mon corps décide de me parler. Ça fait maintenant 3 jours que je ne mange pas, diarrhée, maux de tête, fièvre, nausées, vomissements. Je prends tout ce qu’il faut. Anti-malaria, anti-diarrhée, anti-nausée, anti-fièvre, antibiotiques, réhydratation par IV. Et je reste faible et j’ai envie de rien. Rien de rien.
Hier j’ai eu une bonne discussion avec Ève, sur ma présence ici. En fait, si j’attends encore après REVS+, l’organisme où Ève travaille qui s’occupe des personnes atteintes du VIH, je vais attendre encore et encore.  Il faut que je trouve moi-même de quoi m’occuper. Ève m’a proposé d’organiser un groupe d’enfants du quartier pour nettoyer les espaces vides autour de la maison. Si vous voyiez… Alors sensibiliser en ramassant les déchets, en triant pour récupérer les sacs de plastique qu’un organisme ici ramasse, brûler ce qui peut l’être et envoyer aux ordures le reste (ici il faut payer pour qu’on ramasse les ordures… d’où les déchets partout!). Juste à l’idée de faire quelque chose, je reprenais vie, je retrouvais un peu d’entrain.
Mais je continue à être malade, et je perds un peu plus de mon énergie. Je viens de recevoir la réponse, je pourrais revenir le 16!!! Et je ne sais pas quoi faire. Je me demande pour qui je resterais. Est-ce que je veux rester? C’est sûr que rentrer, c’est compliqué, vu que je n’ai pas d’argent, pas de travail, pas de logement. Mais comme c’est chez moi, je sais comment m’arranger. Et j’ai tout mon monde autour de moi pour m’appuyer. Je ne sais pas, je ne sais plus, je suis perdue…
Je pense que je ne reviendrai pas le 16, mais je vais vivre ça au jour le jour. Je vais me donner une autre chance, mais je vais rester à l’écoute parce que je ne m’aime pas comme ça. Et je ne suis pas convaincue que je doive absolument « tougher » si ça me rend si … pas heureuse.
Je vous tiens au courant.

Saturday, February 5, 2011

ah la différence!

Bon, je pense que je suis définitivement arrivée en Afrique. Je pense que j’ai arrêté de résister, je suis maintenant ici comme je serais ailleurs. Ça fait du bien! Mais oh que la vie est différente!!!
Mercredi, c’était ma journée à moi de moi. Je me suis inscrite à un endroit qui s’appelle le Club Muras, où il y a piscine, tennis, badminton, squash, et bar. Donc mercredi matin, j’avais un cours de tennis à 9h (ihhhh je suis pas en forme, mais c’est tellement l’fun!), puis j’ai lu sur le bord de la piscine jusqu’à midi. Je suis allée manger une pizza dans un resto libanais (j’avais un craving de pizza depuis 2 jours), la pizza était moyenne, avec pâte pas assez cuite qui goûte la poudre à pâte, et pas d’ambiance dans le resto – il faut dire qu’on peut avoir un riz sauce pour 300 francs (60 sous), alors payer 4000 francs (8 dollars) pour une pizza, c’est pas tout le monde qui le fait! Mais moi ça m’a fait du bien au moral. Ensuite, je suis revenue au club muras par le marché central. Bon, si dans n’importe quelle rue je me fais crier « touBAbou touBAbou touBAbou » (la blanche) par les enfants, et « hey la blanche » par les ados (ce que je dois dire me dérange un brin), au marché, si je n’ai pas l’air absolument affairée et de savoir où je m’en vais, c’est terminé, je me fais arrêter de tout côté pour me faire vendre des affaires. Moi qui adore me promener dans les magasins, c’est une torture de ne pas m’arrêter pour regarder, mais comme c’est de ma survie mentale qui est en jeu, je passe mon chemin en regardant à la dérobée. J’ai continué à me prélasser sur le bord de la piscine jusqu’à 4h, puis je suis rentrée à la maison.
Jeudi matin, j’ai travaillé avec Eve… il y avait foule, on a clanché dans les dossiers, c’était super! Plein de travail efficacement abattu! Youppi! Et l’après-midi, il y avait le groupe d’échange des enfants infectés. Au début, l’animateur traduisait tout. J’ai demandé à ma voisine s’il le faisait juste pour moi ou s’il y avait des enfants qui étaient plus à l’aise en français. Non, c’était pour moi, alors j’ai fait signe à l’animateur de continuer juste en dioula. J’avais vraiment l’impression que ça tuait l’ambiance de tout traduire, et de toute façon, moi, je sais ce que sont les CD4 et comment les microbes et virus s’attaquent à eux. Alors j’ai passé une heure à écouter sans rien comprendre, mais j’étais tellement heureuse d’être là, avec les enfants qui lèvent leur main pour répondre à une question, des fois en disant volontairement des conneries qui font rire tout le monde. C’était vraiment génial.
Quand je suis rentrée, on a mangé devant « Slumdog millionnaire » avec Eve, Abou et Moussa. Moi je serais bien allée me coucher, mais Eve voulait aller prendre une bière… embarque dans le char, qui a du mal à partir. Hum, j’aime pas ça. Mais on avance quand même, à peine. C’est probablement qu’on manque d’essence, que Eve dit. QUOI? Moi je débarque ici, j’ai pas envie de marcher plus que ça pour rentrer. Mais Abou donne du gaz, le moteur arrête, mais il ne freine pas sur les bosses pour qu’on se rende le plus loin possible. C’est qu’il y a une station essence où on peut aller chercher quelques litres pas trop loin. Moussa prend un bidon, Abou et Eve sortent de la voiture. Et moi je reste dedans. Abou vient à ma fenêtre et dit « tu es découragée? » METS-EN! Ça existe même pas des pannes d’essence! Comment peux-tu faire une panne d’essence? Eve m’explique que ça arrive souvent, on met juste 1500-2000 francs (3-4$) à la fois vu qu’on a rarement plus. Bon, ok. Abou me dit avec un sourire en coin « c’est l’Afrique ».  Quand Moussa est arrivé avec le bidon, on a mis l’essence, mais là la batterie était à terre. WHAT? Alors on a tous poussé, et le moteur est reparti.
Vendredi, il y avait peu de travail à la clinique alors j’ai appelé Abou pour qu’il me ramène à la maison. Mais comme j’étais pas pressée, j’ai décidé de faire le taxi avec lui. J’adore ça. Même si j’ai encore parfois l’impression que les rues changent de place. Je ne me retrouve pas du tout dans Bobo, quelques endroits au centre-ville et comment arriver chez moi… et encore, pas toujours. On roulait, tranquille, quand quelque chose lâche et si Abou avait pu sacrer, il l’aurait sans doute fait. L’auto avait passé la semaine au garage (transmission brisée, courroie de chépaquoi coupée…) ça lui avait coûté une fortune, et là autre chose lâchait. Mais tout est usagé ici, les courroies, les transmissions, les pneus (on m’a dit que les crevaisons étaient monnaie courante…), c'est donc plus probable que les trucs lâchent à rien. Donc on s’est rendu de peine et de misère au garage, et là il me dit que ce sera pas long, le garagiste va faire ça tout de suite (terme très relatif), lui doit seulement aller chercher une courroie tout près. J’attends, j’attends, quelques enfants viennent me voir, puis plus, puis plus. Je suis entourée d’une dizaine de petites filles qui me parlent en dioula. Pas grave. On s’assoit à l’ombre, certaines me jouent dans les cheveux, d’autres prennent mes mains, avec d’autres on joue aux chatouilles. Je m’amuse ferme! Une femme puis une autre approchent et me parlent sans que je comprenne. Je crie à Abou d’approcher, je ne voudrais surtout pas faire quelque chose d’inconvenant, mais non, elles craignent seulement que les enfants me dérangent. J’ai dû rester là une heure avec les enfants. C’était vraiment bien.
Oui, j’aimerais ça travailler avec les enfants. Mais je ne sais pas encore de quoi sera fait mon séjour, si chaque semaine sera différente comme c’est le cas présentement, ou si j’aurai une routine quelconque. On verra. Pour l’instant, ça va.
Anecdote... Hier soir, on est sorti souper au resto et Eve et moi parlions du Québec, comment les gens sont stressés comparativement à ici. Et Abou dit "stressé? ça veut dire quoi?"

Tuesday, February 1, 2011

de l'aide comme je peux

Aujourd’hui j’ai fait mon premier dépistage VIH. Et il était négatif! C’est comme un test de grossesse, mais avec du sang. On pique le bout du doigt, on ramasse le sang, on le met sur une languette, on ajoute une goutte d’un produit spécial, on attend quelques minutes et bingo! J’étais contente qu’il soit négatif, pour mon premier. Quand on va partir en brousse faire du dépistage en série, je vais être prête.
Sinon la vie suit son cours. Disons que je suis en choc. Pas particulièrement avec le type de vie d’ici, mais avec le contraste que ça fait avec ma vie de chez nous. Je suis tellement habituée à ne jamais être chez moi, à être impliquée dans 10 000 affaires, à sortir avec des amis… quand je suis chez moi, c’est parce que j’ai besoin d’être seule, pas parce que je n’ai rien à faire! Alors qu’ici… Ben il n’y a pas encore grand-chose à faire pour moi. À la clinique, pour l’instant c’est assez tranquille, bien qu’on m’ait avertie qu’avec le début du mois, ça allait chauffer avec les gens qui viennent chercher leurs médicaments. C’est ce que je trouve le plus dur, l’inactivité, avec le fait de ne pas avoir d’endroit comme la Mare au diable à Sherbrooke où je peux aller rejoindre des amis… Je sais je sais, c’est normal au début et bla bla bla, je sais bien ce que vous allez me dire, mais ça n’empêche pas le fait que pour l’instant, je me raccroche à des petits événements, que je vous raconte ici, pour ne pas trop m’éteindre.
Il y a quand même du bon. Avec les dons que j’ai ramassé avant de partir, j’ai pu jusqu’à maintenant payer des tests à des personnes qui n’avaient pas les moyens de se les payer. Par exemple, lorsqu’une personne atteinte commence la trithérapie, son système immunitaire redevient plus fort, c’est ce qu’on mesure en comptant le nombre de CD4 pour voir si le système reprend le dessus. Mais quand le nombre de CD4 demeure bas, ça peut vouloir dire 2 choses (que je connais). La première, c’est que la trithérapie ne fonctionne pas, ce qu’on appelle un échec thérapeutique, qui peut être géré en changeant les médicaments. La deuxième, c’est que le traitement fonctionne, le virus est contrôlé, mais que le système est descendu trop bas pour remonter beaucoup. Mais pour savoir quelle option est la bonne, il faut faire le test de la charge virale, pour savoir à quel point le VIH est contrôlé. Mais ce test, on ne le fait pas à la clinique, et ça coûte 17 500 francs CFA (35$), une fortune. Sans ce test, on peut changer de traitement inutilement (ce qui coûte aussi très cher) ou bien continuer un traitement qui ne fonctionne pas sans le savoir, et la personne dépérit. Eh bien l’argent amassé lors du concert bénéfice a déjà servi pour faire ce test la semaine passée, et une autre a eu une échographie aujourd’hui, qui a coûté 15$. On va pouvoir en aider, hein, du monde?
En terminant, je vous envoie deux photos, la première pour vous donner une idée de la visibilité quand il y a autant de poussière sur la route, et l’autre, c’est la vue (avec le bruit que vous pouvez imaginer) du balcon de la maison!

Sunday, January 30, 2011

travail et voyages

J’avais commencé à vous écrire jeudi pendant que j’étais à REVS+, mais la patronne est arrivée et j’ai dû fermer la fenêtre. Alors pour commencer, voici un peu ce que je vous racontais.
À REVS+, il y a plusieurs cellules. Eve et Simon travaillent à la clinique médicale où les gens vont pour se faire dépister, donner leurs médicaments, faire leur suivi par rapport au VIH. Mais il y a aussi la cellule OEV, orphelins et enfants vulnérables, qui travaillent en partenariat avec la pédiatrie de l’hôpital. Eve m’a mise en contact avec une super chouette fille, Christèle, qui m’a prise sous son aile. Alors quand c’est tranquille à la clinique médicale, je monte rejoindre Christèle. (monte pas dans le sens d'étages mais bien de petite côte... sur laquelle je croise toujours un gars qui me parle en dioula, à qui je réponds que je ne parle pas dioula, et qui me dit que je dois l'apprendre... cette conversation tous les jours, à quoi s'ajoute une petite phrase en dioula de ma part pour lui prouver que je fais des progrès!) Le premier jour, elle m’a montré ce que la cellule fait, en me faisant lire le rapport annuel de 2010, que j’ai aidé à corriger et à mettre en page. Voilà quelque chose dans quoi je suis bonne! Mais outre cela, c’est vraiment intéressant ce qu’ils font à OEV. Ils organisent entre autres quatre groupes d’échange qui se rencontrent une fois par moi. Il y a un groupe pour les enfants infectés, un pour leurs parents, un pour les enfants infectés et ceux qui sont affectés (c’est-à-dire  dont la vie est d'une façon ou d'une autre affectée par la malaide) et un dernier pour les femmes enceintes et les mères allaitantes qui ont le VIH. En janvier, les différents groupes ont fait le programme des thèmes dont ils voulaient discuter, et les responsables de OEV vont préparer des ateliers pour les différents thèmes, ou inviter des professionnels comme des nutritionnistes, des pédiatres, etc. Il y a aussi des sorties prévues pour le groupe des enfants infectés et affectés. Ça a l’air de bien marcher, et c’est très bien! Christèle m’a invitée à assister aux rencontres. J’ai bien hâte de voir, même si je me rends bien compte que je serai spectatrice. Comment pourrait-il en être autrement? Mais je suis contente d’en être.
Sinon j’ai aussi commencé des ateliers de tricot. Mardi, il y avait 5 personnes, des employés de REVS+. Seulement 2 ne savaient pas déjà tricoter, et elles apprennent vite! Il va falloir que je leur fasse commencer des projets, sinon mes élèves vont s’ennuyer! Ah le tricot, qui aurait dit que tu me suivrais jusqu’en Afrique!
Jeudi soir, Eve n’allait pas très bien et avait besoin de partir prendre l’air, alors on s’est pris des billets pour Banfora, une petite ville touristique sur la route de la Côte d’Ivoire, au sud du Burkina. Pour ceux qui lisent le blog de Eve, c’est l’endroit où il y a la cascade que les gens paient pour aller voir. Nous n’y sommes pas allé, on a paressé sur le bord de la piscine de l’hôtel. Eve a dû dormir 18 heures dans notre séjour de 30 heures! Moi j’ai lu. J’ai lu. J’ai lu. Ça a fait du bien de se retrouver dans la verdure pour une journée et demie, pas trop de poussière et des fleurs! On est rentré hier soir, et on est allé voir un spectacle… qui a commencé avec 30 minutes de retard à cause d’une coupure de courant. La première partie était assurée par un chanteur ivoiro-burkinabe dont j’ai oublié le nom, qui s’est mis à faire du lip-sink sur une chanson très enflammée… il était seul sur scène et dansait et chantait… sans toujours avoir son micro près de sa bouche… et des fois il ne chantait pas mais la voix continuait. J’avais l’impression de voir un ado qui s’amuse dans sa chambre, tout concentré sur ses pas de danse qu’il a plus l’air d’expérimenter que de maîtriser. J’étais gênée! Mais pas le public autour, on dirait. Bon. Quand le véritable show a commencé, là c’était hot. 3 percussionnistes, un guitariste, un bassiste, un claviériste, deux back vocals qui se dandinent et deux ados qui dansent comme des fous. Ils étaient tellement sympathiques! La chanteuse était très bien, et la musique aussi. J’étais finalement bien dedans quand il y a eu une nouvelle coupure de courant. Bon, les coupures de courant, c’est souvent volontaire. C’est la ville qui, pour économiser l’électricité, arrête le courant dans les différents quartiers à tour de rôle. L’électricité vient de centrales hydorélectriques, et comme il y a de moins en moins d’eau, et que ça va empirer jusqu’aux pluies de mai, on peut s’attendre à avoir de plus en plus de coupures. Je vous en reparlerai sûrement.
Aujourd’hui, on allait à Dafra voir les poissons sacrés. Ceux qui veulent voir des photos de ces poissons, allez voir le blog de Eve, http://lestoubabousdebobo.blogspot.com/2011/01/dimanche-dernier-nous-sommes-alles.html
On est parti 8 dans la voiture sans suspension d’Abou. Comme je ne savais pas à quelle distance c’était, j’ai commencé à m’inquiéter de la route quand on s’est mis à cheminer sur une voie de terre à peine plus large que la voiture et qui a entièrement redéfini pour moi le mot « défoncé ». En fait, il s’agit, d’après ce que j’ai vu, d’un espace creusé par le passage des voitures à travers un champ. Inutile de dire que ce n’est ni pavé, ni lisse. Si j’avais pensé que le chemin Vignat qui monte sur les coteaux de Jurançon est étroit, eh bien, je n’avais rien vu. Là, les bords de la voiture touchent littéralement le bord de la route creusée. On a roulé à 5 km/heure pendant une quinzaine de minutes avant d’arrêter devant une maison pour discuter du prix pour le guide. On devait ensuite marcher 20 minutes sous le soleil, dans un décor qui fait penser à l’Arizona, et évoluer dans un chemin de pierrailles qui descend vers le ruisseau des poissons sacrés. Le décor était magnifique. J’ai demandé à Moussa si c’était un endroit pour touristes ou si vraiment les Burkinabés se rendaient là aussi. Il m’a dit que les Burkinabés s’y rendaient avec des offrandes pour les poissons, pour qu’ils exaucent leurs prières… de guérir, d’avoir des enfants, de trouver du travail. Alors sur la route, on pouvait croiser des gens passer avec des poules vivantes, et même des moutons, qu’ils allaient sacrifier aux poissons. Humm… qu’est-ce qui nous attendait donc, sur le bord de la rivière? Des plumes et des plumes et du sang et des plumes et des boyaux et des peaux de moutons accrochées sur les arbres. Et nous on marchait là-dedans pieds nus, puisqu’il y a des consignes pour approcher les poissons sacrés! L’endroit était sinon très beau et luxuriant, tant qu’on ne regardait pas de trop près. Au retour, je m’attendais à la route, j’ai donc passé ces minutes à travers bosses et creux à composer comment j’allais vous raconter tout ça!



On dirait que vu que ça fait longtemps que j’ai pas écrit, j’ai plein de choses à vous dire, mais je vais en garder pour demain ou un autre jour.
Prenez bien soin de vous!
Je vous envoie de la chaleur!

Monday, January 24, 2011

Le noir et le blanc...

sont les couleurs à éviter pour les vêtements! Avec la poussière et la terre rouge, il n'y a rien à faire, tout se salit dans le temps de le dire!

On a passé une belle fin de semaine. Eve était en congé, alors on est sorti vendredi soir voir un concert de djembés. Oli, tu aurais adoré. À la fin, ils ont invité les gens à venir jouer avec eux et ils ont jammé. Avec des gens dans l'assistance qui se lèvent et vont faire leur show de danse, un à la fois, pendant 30 secondes. C'était vraiment quelque chose!
Comme ça a fini tôt, on est allé danser, Eve, Anne la mère de Simon, Abou et Moussa, deux amis burkinabés. Je m'imaginais que ce serait comme quand j'étais sortie à Abidjan, avec les filles qui se disputent la place devant le miroir. Oui oui, elles dansent en ligne devant le miroir. Moi, évidemment, je laisse volontiers ma place. Finalement il n'y avait pas de miroir, mais un DJ qui souhaitait prendre toute la place. Je pense qu'il ne laissait pas 15 secondes de musique sans commenter la vie, les gens qui étaient là, ceux qu'il connaissait "Eh le papa qui est là, bon appétit, et vous savez, je me marie demain, il y a mon ami qui vient d'entrer, bonne arrivée!" et ça n'arrêtait pas... jusqu'à ce qu'il annonce "musique sans frontière", ce qui voulait dire qu'une chanson américaine s'en venait. On a dansé sur une toune country, sur "I've been thinking about you", qui me ramenait à mon début de secondaire! On s'est vraiment bien amusé.
Samedi, on est allé à la guinguette, qui est une rivière à environ 15 km. Il y avait Eve sur la moto d'Abou et moi sur la moto de Moussa. Est-ce que je peux vous dire que je m'ennuyait de Paulette, mon scooter? Ciel que j'avais mal au derrière. Sans compter que pour se rendre jusqu'à la rivière, il fallait passer dans une route de sable. Quand le sable est tapé, c'est comme rouler sur un peu de neige, pas facile mais pas impossible. Quand le sable est mou, imaginez rouler sur un deux roues dans 15 cm de neige. La folie. On a planté quelques fois, évidemment, mais les gars étaient bons.
Il y avait des gens qui se baignaient, l'eau avait la température idéale (autour de 90 F?) mais une fois que Eve m'a dit qu'il y avait des vers dans la rivière qui pouvaient entrer par la peau et aller se loger dans la vessie et et et et, j'ai décidé de ne pas me baigner!!!
Au retour, j'ai demandé à Moussa pourquoi il y avait des gens qui transportaient un mètre cube d 'herbe sur leur vélo, qu'ils poussaient à bras dans les côtes. Il m'a dit que c'était des gens qui allaient à la campagne chercher l'herbe pour ensuite la vendre aux éleveurs en ville. C'est que la végétation est assez limitée à ce temps-ci de l'année. Il ne pleuvra qu'en mai, et ça paraît. Quand on voit des plantes près des maisons, on sait que la personne a de l'argent. Parce que l'eau est rare et se paie. Si tu as de l'argent pour te payer de l'eau pour quelque chose d'aussi futile que de la décoration végétale, c'est que tu es riche. Nous, on est riche. On va bientôt aller se chercher des plantes, et des plants de basilic, parce que c'est si bon!
Parlant de bouffe, je me suis faite très rapidement au riz sauce. Tomate, principalement. Je trippe pas sur la sauce arachide, et Eve me dit que la sauce aux herbes n'est pas très bonne. Alors quand il y a de la sauce tomate, c'est ce que je choisis. Il s'agit de beaucoup de riz avec un bol de sauce un peu claire et grasse dans laquelle baigne 2 morceaux de viande. Ça va, je peux vivre avec ça! Quand on est à la maison, on se fait des salades, des pâtes (miam!), ou des curys. Je n'ai pas à me plaindre sur la bouffe jusqu'à maintenant!
Ah, et hier je me suis fait tresser! Je suis allée dans la famille d'Abou, et sa soeur Aissa et sa nièce Coro m'ont tressée. Je me trouve assez belle! Je vous mettrai des photos la prochaine fois (là je suis au dispensaire et mon appareil est à la maison). Je me suis aussi acheté des pagnes (du tissus) pour me faire faire des robes. J'ai yâte!
Dernière chose avant de retourner travailler, j'ai eu ma première expérience de véritable taxi hier. Généralement, ce sont Abou et Moussa qui nous conduisent dans leur taxi, et ils ne prennent pas d'autres clients quand on est là. Mais hier soir, on est sorti, Eve et moi, et on a pris un taxi dans la rue. Bon, les taxis, ici, c'est comme des autobus sans itinéraires précis. On paie un prix fixe par personne, et le taxi nous amène où on veut. Et embarque des gens tant qu'il y a de la place. Hier, on était 4 filles sur la banquette arrière (inutile de vous dire que je n'ai pas les plus petites fesses au monde, alors à 4, c'était serré!). On s'en allait mettons au nord, mais une des filles qui étaient là avant allait au sud-ouest... donc on est allé la porter, ensuite nous. Je ne sais pas où allait la dernière, mais j'espère qu'elle n'était pas pressée!

Merci pour vos messages d'encouragement!
Je vous embrasse et vous dis à bientôt

Friday, January 21, 2011

il faut que je me parle!

Oh la la, j’ai flanché pour la première fois ce matin. J’étais au dispensaire avec Eve, on est allée prendre le thé, et là, les larmes dans mes yeux, le cœur dans la gorge… Eve m’a ramenée à la maison, et j’ai dormi comme une bûche pendant 2 heures. Ciel, je ne suis pas si moumoune, me semble? Mais, je me le répète, je ne suis pas dans mon élément. Je ne suis pas dans mon élément. Je ne suis pas dans mon élément.  Il faut que je me le répète pour ne pas piétiner, pour freiner mon impatience. Je suis venue ici pour sauver le monde, moi, pourquoi je ne peux pas me lancer? Parce que ce n’est pas si simple. Et Amélie, calme-toi, tu es arrivée lundi! Ok, bon, hier je me suis parlé. Je ne sais pas comment faire, je ne sais pas comment aborder les gens, je ne sais pas ce qui est approprié. Je ne sais rien, je dois me laisser le temps. Je dois observer.
Bon, comme je suis prête à accepter ça, la patience dans l’action, je me suis dit que j’allais apprendre le dioula. Voilà, ce sera mon activité quand je me sentirai inutile. J’ai demandé à Simon de me prêter ses livres de dioula. Le premier, un dictionnaire. Ok. Le deuxième, un ouvrage de linguistique sur certains aspects de la langue dioula. J’ai dévoré. Ah ah, là je suis dans mon élément! La fonction distinctive des tons en dioula, les dérivatifs préfixés, l’alternance entre les consonnes sonores et les consonnes sourdes. Ça ça me parle! Je souriais dans le vide. Ça je comprends. Alors je demande conseil à Simon sur ce qui se dit ici, le sourd ou le sonore. Et là il dit « ah, médicaments c’est pas fra, c’est fla! » alors mon sourire réapparaît et je lui dis que dans plusieurs langues, l et r sont interchangeables…  Devant son regard hum hum hein hein, je me rends compte que mon plaisir là-dedans, c’est pas le sien, lui  il est plus à l’aise avec les vrais fla qu’avec leur prononciation! Ça a été un petit moment heureux, un moment de repère rafraichissant. La gang de linguines, vous me manquez!
Quand je ne lis pas les ouvrages sur le dioula à la clinique, j’ « aide » Eve. Je m’assois à côté d’elle pendant les consultations, j’autorise des prescriptions, je pèse les gens au besoin. Et on rit de moi. C’est qui la toubabou qui rit tout le temps? Les patients me voient et se mettent à rire. Eve m’a montré à dire « Kana yélé na », il ne faut pas rire! Ou encore « I ma delika toubabou yé », t’as jamais vu de toubabous? Mais ça c’est juste pour les gens harcelants dans la rue. Comme je ne me suis pas beaucoup retrouvée dans la rue jusqu’à présent, j’en suis encore au stade théorique.
J’écris souvent mais, comme vous le voyez, il ne se passe pas encore grand-chose pour moi. Je suis en adaptation. Je suis en adaptation. Je suis en adaptation. Je suis en adaptation. Je suis en adaptation. Ciel que je suis pas patiente. Ceux qui ont suivi mes périples au Clos Mirabel les deux derniers étés ont une petite idée de ce que je vis en ce moment. Mettons que le contraste est grand entre la responsabilité de gérer toute seule un bed and breakfast dans les Pyrénées et ce qui se passe ici jusqu’à présent! Ah, quel euphémisme!
Mais je ne me plains pas vraiment. J’ai vérifié à l’intérieur, et je suis encore persuadée que je suis où je veux être. C’est pas parce que je rue dans les brancards (j’adore cette expression!) que je doute. Je vous écris pour passer le temps, et aussi parce que je sais qu’il y a des gens qui sont avides de nouvelles. Et sans doute aussi pour faire le point.
Chaque jour est plus facile que le précédent. Ce matin je suis allée chercher le pain toute seule comme une grande J. Là je vais peut-être aller prendre une marche jusqu’à la boutique de la station service pour acheter du papier de toilette. Yé! Je suis sur la voix d’une plus grande autonomie!   
Ce soir, Eve me sort. On va écouter un band. Tout va bien. Elle prend bien soin de moi.

Wednesday, January 19, 2011

voilà, c'est commencé

Aujourd’hui je suis allée travailler avec à peu près une heure de sommeil dans le corps. C’est que j’avais un peu oublié qu’il y avait quand même un décalage horaire… Mais j’ai fait ma journée. On m’a montré l’organisation des dossiers pour que je puisse aller les chercher quand un patient arrive. J’ai aussi assisté à des consultations de Ève. Consultations qui se font moitié en dioula, langue d’ici,  moitié en français. C’est assez fascinant. Mais sur l’heure du midi, c’était plus calme, Ève faisait de la permanence auprès des personnes « hospitalisées », c’est-à-dire deux femmes arrivées de matin dans un piètre état et  couchées dans une petite pièce avec une perfusion dans le bras. Pendant ce temps-là, une douzaine de femmes attendaient 15h, soit l’heure du dépistage du cancer du col de l’utérus, et ce, en regardant la télé (comme quoi, les salles d’attente avec télé sont universelles!). J’en ai profité pour m’étendre sur un lit de consultation, avec des étriers à la place du bout du lit. J’ai steppé quand toute la gang s’est mise à crier en riant. J’ai mis la tête dans la porte et … le Burkina venait de compter contre le Congo! Youppi youppi youppi! Vive le foot!
Je me demandais quand même un peu si mes journées allaient ressembler à ça. J’aurais peut-être envie de travailler avec les enfants, et Ève me dit que je pourrais peut-être aider auprès du CREN, au Centre de réalimentation des enfants nourrissons, ou bien auprès d’orphelins, ou bien à l’hôpital, ou bien au dispensaire, ou un peu de tout ça… C’est toujours ça qui est beau/angoissant au début d’un voyage. Toutes les portes sont ouvertes, je ne sais pas de quoi sera faite ma vie encore… Ça m’est arrivé tellement souvent, plein de projets potentiels, et à la fin du voyage, je repense à tout ça et finalement, c’est bien différent. On va voir.
En cette deuxième journée au Burkina, je dois dire qu’il y a des choses que je trouve plus difficiles. Comme la poussière. Il y a de la poussière partout, partout, partout. Je respire de la poussière. On lave une surface qui sera à relaver une heure plus tard. C’est l’harmattan, le vent qui soulève la terre et rend le ciel rougeâtre de la terre plus rouge qu’à l’Ile-du-Prince-Edouard... Pas de nuage mais pas de ciel bleu.
Ah et le marchandage. On se fera toujours avoir, nous les blancs. C’en est frustrant quand tu as besoin de quelque chose et qu’il n’y a pas moyen d’acheter à un prix raisonnable. Eve dit « Allez, ça c’est un prix de toubabous! », un prix pour les étrangers plein de cash qui ne se rendent compte de rien. On n’est pas Africain, c’est tout.
J’avais apporté des sachets de sauce à poutine, alors on a fait frire des patates, coupé du cheddar en cube et on s’est fait de la poutine. Voir le visage de Maïka, la fille de Eve, qui disait pouvoir en manger tout un immense bol, plus mon restant. Finalement j’ai tout mangé et pas elle. Faut croire qu’après un an, on se déshabitue des choses lourdes et grasses! Moi j’ai trop hâte aux papayes et aux bananes et aux mangues et et et et!
à tout bientôt!

Monday, January 17, 2011

Enfin à Bobo

Je suis bien arrivée. Ça a pris du temps, mais je suis arrivée.  Et tellement bien arrivée!              Quand on a atterri à Niamey, au Niger, j’ai regardé autour et j’ai attendu. Je craignais un peu l’émotion qui allait monter… Et ça a été « enfin… » Un enfin heureux, en paix, j’avais l’impression d’être où je devais être. Alors en débarquant à Ouagadougou, j’étais super zen, presque blasée, un petit sourire « ben oui, moi j’arrive pour 4 mois et c’est très bien ainsi! » Eve m’attendait avec son ami Abou, on barguine le taxi qui nous amènerait chez une autre coopérante, Nathalie, qui habite Ouaga (vous voyez, je suis déjà adaptée, « Ouaga »!).  On a pris un mousseux acheté pour l’occasion, et on est allé manger… quoi? Un riz sauce! Avec un Saint-Emilion pris au Duty Free de Paris! Le pur bonheur! J’étais arrivée, mes bagages avaient suivi, Eve était venue me chercher, je ne pouvais pas être mieux. On est parti aujourd’hui à 14h pour Bobo, dans un autobus climatisé avec télé. CSI-Les experts version burkinabe : « POLICE OUVREZ! » suivi de « ma fille, le meurtrier est ton mari mort qui erre parce que tu refuses de faire la danse des morts et de  le laisser partir » Bon, mais comme je suis heureuse et zen, je souris! Oh que oui, je suis bien.
Et comble de bonheur, Eve me dit que je peux commencer dès demain au dispensaire, ils sont débordés et je pourrai trouver à m’occuper! Youppi! J’avais un peu peur de n’avoir rien à faire, en fait, je n’en savais rien. Alors demain je vais travailler, et demain soir, je m’installe et après on verra bien.
Là je vais dormir pour être en forme demain et apprendre quelques mots de Dioula.
à tout bientôt, kofé

Monday, January 3, 2011

Préjugés prédéparts

À 13 dodos du départ, je vous envoie l'idée que je me fais de certains aspects de ma vie à Bobo. 

Je vais être malade...
Une chance pour moi que je ne suis difficile que sur la bouffe fancy... saumon fumé, fromages fins, câpres, charcuterie italienne. Manger des pâtes 7 jours sur 7 ne m'a jamais fait peur... mais le tô? du riz sauce tous les jours? Ça se peut que, comme tous ceux qui m'ont précédée, j'aie la diarrhée et des maux de ventre comme je peux difficilement l'imaginer, ce qui m'amène à

Je vais perdre 20 livres
Ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose, surtout considérant que je suis en plein marathon de fêtes de famille, d'au revoir aux amis, et de « je vais m'ennuyer des hamburgers, de la poutine, de la lasagne, de la bonne bière » qui me déculpabilisent d'en manger plus que je devrais. Ma bédaine en prend un coup pour l'instant, mais je me rassure en me disant « c'est juste que je fais des réserves »!

Mais plus sérieusement
Je vais trouver ça tough, je vais être révoltée...
En 2001, quand je suis partie sur un coup de tête rejoindre mon oncle et sa famille en Côte d'Ivoire, ça m'a pris un mois à me faire à la culture. Un mois à être fâchée, à trouver que les gens envahissent ma bulle, n'ont pas de respect, quêtent sans arrêt, ne comprennent pas qui je suis, et à ne pas me sentir à ma place. On m'avait dit que les 2 chocs culturels les plus difficiles sont l'Afrique et l'Inde. C'est qu'on n'a pas de repères, aucune chance de se retrouver dans une façon de vivre basée sur le moment présent, parce qu'on ne sait pas de quoi sera fait demain, s'il y aura seulement un demain. Je me disais « je n'ai pas d'argent, je ne peux pas en donner! », tout en sachant que dans mon compte, il y a 5000$. Oui mais c'est pour rembourser mes prêts et bourses, c'est pour payer mon loyer à mon retour, c'est pour acheter des souliers quand ceux-ci seront brisés (ok, ok, et aussi pour quand j'en trouverai une paire « dont je ne peux absolument pas me passer »!!!). Bref, c'est pour... l'avenir. En 2001, j'ai fait face à une absence de conception de l'avenir qui m'a débalancée. Je me sentais agressée par la différence. Bien plus que par la pauvreté ou la maladie. Je pouvais aller enseigner le français dans un village de réfugiés libériens installés dans le grand dépotoir d'Abidjan, parce que même si ça puait, je savais que dans maximum 3 heures, je rentrerais à la villa et je retrouverais mon confort. Parce que je ne vivais quand même pas comme les Africains.
Pendant le 2e mois, je n'étais plus déboussolée, mais ce n'était pas chez moi. Je me disais que j'allais faire mon temps. Et que je ne reviendrais plus en Afrique, il faut reconnaître ses limites. Le 3e mois, j'ai un peu plus compris. Je me suis mise à apprécier le moment présent. À comprendre que si les gens quêtent, c'est parce qu'ils sont conscients que j'ai plus qu'eux. Parce que quand je me suis retrouvée dans le besoin, on m'a aidée. Quand je suis partie avec 3 amis en « road trip » sur le pouce à travers la brousse, on nous a embarqués, même si ce n'était pas dans la culture de faire du pouce, il y a eu des gens pour s'arrêter et nous amener un peu plus loin. Alors après 3 mois, j'étais bien, et comme beaucoup qui l'ont vécu, j'ai trouvé le choc du retour très pénible. Trop de rationnel, pas assez d'humain, trop d'avenir pas assez de présent, trop d'individus, pas assez de communauté. Je n'avais qu'une envie, finir mon bac et repartir...
Je m'attends donc à un choc. Eve, l'amie qui me reçoit à Bobo, me dit que le Burkina, c'est tough. Plus que la Côte d'Ivoire, plus que le Sénégal. Et je la crois. Je ne sais pas à quoi m'attendre, je ne sais pas comment imaginer un « pire », mais au moins je sais comment imaginer un « semblable ». Et je sais que je vais trouver ça dur. Dur de me refaire plonger dans un « autre » qui me demande, pour l'accepter, que je renie un peu de ce que je suis, mes valeurs d'occidentale, de bourgeoise, d'intellectuelle. Je le sais, et j'y suis prête, je suis convaincue que j'en ai besoin, pour me rééquilibrer et me sentir faire partie de cette humanité. Je me doute aussi que, comme la première fois,

Je ne voudrai plus revenir
Mais là, c'est comme de mettre la charrue devant les boeufs, et comme je ne veux pas faire peur à ma mère, à certains de mes amis qui attendent déjà mon retour, j'en parlerai une autre fois.

J'ai hâte. J'ai hâte de comparer ma vie de là-bas à ces préjugés. J'ai hâte d'avoir chaud. Et j'ai hâte d'avoir fini ma correction.
On se reparle bientôt.