Monday, February 21, 2011

le retour


Voilà, je suis bien revenue au Québec… après beaucoup trop d’heures de transit. Je suis partie à 15h de Bobo en autobus vers Ouagadougou… Arrivée à 20h. Vol de Ouagadougou vers Paris à 23h30, arrivée à 5h55. Départ de Paris vers Montréal à 13h30, arrivée à Montréal à 14h50. Total 28 heures de voyageage. Donc je suis au Québec depuis jeudi après-midi, et depuis j’essaie de retrouver mes repères. Je suis vraiment contente d’être rentrée, mais c’est quand même une adaptation. Puis je ne suis pas dans mes affaires, je dois ressortir des boîtes et des valises mes effets d’hiver, de toilette, de tout ce qui constitue un quotidien. J’essaie de prendre le temps de revenir, mais après un mois d’ennui, c’est difficile de me freiner pour prendre le temps de digérer toutes mes émotions. Je sais que je dois le faire. Je le sais. Et je suis tellement bien entourée.
Ah est-ce que je vous avais dit que ma mère et son chum sont partis en Martinique début février et qu’ils reviennent ce soir… en n'ayant aucune idée des aventures qui me sont arrivées ni que je suis finalement revenue. Hey maman, I’m back! M’ennuie de ma mère, en tout cas!

Derniers jours

Samedi avant mon départ, Ève et moi devions aller voir un patient à domicile. C’est un patient de Simon mais comme celui-ci était parti conduire sa mère à l’aéroport, Ève devait aller lui faire ses injections. Quand nous sommes arrivées, il faisait noir. Il n’y avait pratiquement pas de lumière dans la pièce, et je ne voyais qu’une boule enroulée dans des tissus, directement sur une natte recouvrant le plancher. Ève a demandé au patient (que j’appellerai Yan, nom particulièrement non-burkinabé pour être sûre de garder l'anonymat!!) de se tourner pour qu’elle puisse lui faire ses injections dans chaque fesse. Yan ne pouvait pas parler, ne pouvait pas bouger. Ève l’a tourné sur le côté, puis sur l’autre, et a dit qu’elle reviendrait le lendemain, et si c’était possible de le tourner fréquemment, ça éviterait les plaies de contact. On est retourné dans le taxi avec Abou, et là ça m’a frappé. Yan n’a pas pris ses médicaments pendant un bon bout de temps, assez longtemps en tout cas pour que ses CD4 descendent en bas de 50 (normale entre 600 et 1600 il me semble), ce qui a causé une toxoplasmose, une masse au cerveau qui maintenant l’empêche de bouger, parler… Cette masse peut être résorbée facilement avec le bon traitement. S’agit d’avoir le bon traitement. Yan n’aurait jamais pu se payer le traitement, Yan et sa famille peuvent à peine se payer de l’eau et de quoi manger tous les jours. Je vous jure, dans sa condition, moi j’aurais baissé les bras. Je ne saurai jamais comment il s’est rendu là, pourquoi il n’a pas pris ses médicaments pour le VIH (gratuits), pourquoi il s’est laissé dépérir à ce point-là.
Le lendemain, Ève a apporté ce qu’il fallait pour laver Yan, a apporté un matelas pour diminuer les plaies de pression (qui avaient déjà commencé, évidemment), un oreiller, et une chaise inclinée pour le faire changer de position et faciliter le lavage. Yan était en mesure de dire « ça va ». Nette amélioration! Et c’est là que j’ai appris qu’il avait 25 ans (j’aurais donné 50 ans à la boule la veille dans le noir), que comme il a le sida, personne sauf sa mère ne veut le toucher et prendre soin de lui. Mais sa mère est minuscule et ne peut pas le bouger, le tourner et faire tout ce qu’il y a à faire pour prendre soin de lui! Pas toute seule! Alors les toubabous que nous sommes avons montré l’exemple. On l’a donc lavé, partout, puis crémé et massé pour ramener la circulation dans ses muscles, changé les draps imbibé d’urine. Il souffrait visiblement, même s’il ne parlait pas ses yeux restaient attentifs et très conscients. Il y avait plein de monde dehors, probablement des frères et sœurs, d’autres membres de la famille. Et personne ne nous aidait. On était Abou, Ève et moi. On a replacé Yan sur son matelas, Ève a donné ses instructions à la mère, le changer de position toutes les heures, sortir le matelas pour qu’il sèche tous les jours, bouger les articulations de Yan pour ne pas qu’il perde toute sa mobilité. Simon reviendrait le lendemain pour faire les injections.
La mère nous a raccompagné au taxi, le regard plein d’émotion (car chez ces gens-là, on ne pleure pas), nous bénissant de tout son cœur. J’ai à peine eu le temps de fermer la porte que moi je me suis mise à pleurer. Pleurer l’injustice de voir cette mère faire tout ce qu’elle peut en se doutant bien que ce ne sera pas suffisant. Et être seule là-dedans. Mais la mère ne baissait pas les bras. Et ne baisserait jamais les bras. Je pleurais pour la mère. Et je n’arrivais pas à arrêter de pleurer. Ève et Abou m’ont amenée prendre une bière pour décompresser. J’étais vraiment sous le choc. Et j'aurais aimé vivre ça avant, pouvoir me sentir utile comme ça avant. Mais ça ne changeait rien, et que je sois là ou pas Yan aurait les traitements. Mes regrets étaient pour moi.
Le lundi, comme le dépistage en brousse a été annulé, nous sommes retournés le voir, il y avait amélioration dans son état, mais la lueur d’espoir dans son regard avait disparu. La mère semblait toujours aussi combattante, mais quelque chose clochait. J’avais été super optimiste la veille, mais je me remettais à douter. S’il n’y mettait pas du sien, malgré tous les soins qu’on lui donnerait, il ne retrouverait pas la santé, c’était clair.
Mardi je suis allée dire bye aux gens de REVS+. J’étais contente de voir Christèle et Lassiné, un homme qui travaille à la pédiatrie de l’hôpital et que j’avais croisé quelques fois à REVS+. J’ai fait mes bagages, j’étais en paix, les derniers jours se passaient bien, avec Ève c’était plus simple et agréable. Et je rentrais chez moi dans 1 dodo.
Mercredi matin, Ève m’a demandé si je voulais aller voir Yan une dernière fois. Mes bagages étaient prêts, on avait le temps, bien sûr que je veux aller le voir. On est arrêté acheter 30 œufs, des sardines et du riz, pour l’aider à se remettre avec des protéines. On dirait que chaque fois que j’entrais dans la pièce où il était couché, je me sentais démunie, pas à ma place. Jusqu’au moment où on commençait à le laver, à le masser, à lui parler. Et là j’étais en contact, et j’étais bien. Il parlait de plus en plus, pouvait bouger sa tête, ses bras et un peu ses jambes. À un moment je lui ai dit « Yan, je rentre au Canada cet après-midi, donc on ne se verra plus, mais je vais prendre de tes nouvelles par Ève et je vais suivre ta progression. Il faut t’accrocher, et guérir, tu es sur la bonne voix ». Il m’a regardée et sans aucune expression faciale a répondu « Je veux aller au Canada aussi ». Et j’ai éclaté de rire. Il était décidément sur la bonne voie. Après l’avoir lavé et massé, après qu’il ait réussi à manger toute une boîte de sardines par lui-même, nous l’avons réinstallé sur son matelas et je lui ai dit au revoir. On est sorti, et c’est là que j’ai trouvé ça le plus dur. Je me suis approchée de la mère, et on s’est prises dans nos bras. J’étais tellement émue. Soyez courageuse, il va bien aller, je vous souhaite une belle vie, ainsi qu’à toute votre famille. J’avais du mal à la lâcher. Elle m’a fait promettre de saluer tout le monde au Canada, toute ma famille. Alors je vous dis à tous bonjour de la part de la maman de Yan. J’ai réussi à ne pas pleurer, parce que chez ces gens-là, on ne pleure pas. Mais je n’oublierai jamais son regard, son visage.
Ève ne m’a pas encore donné de ses nouvelles, mais je sais qu’elle le fera. Et je sais que l’argent que j’ai ramassé avant de partir va aider cette famille à remonter la pente.

Ève et Abou m’ont amenée à l’autobus. Si vous saviez tout ce qui peut entrer dans le dessous d’un autobus! Des motos, des 20 kg d’oignons… « Merde, j’ai oublié d’acheter un sac d’oignons! ». On placotait un peu en attendant puis Abou a dit « Amélie, il faudrait peut-être penser à acheter tes oignons avant qu’il ne soit trop tard »! Cher Abou, qu’est-ce que tu veux que je fasse avec un sac d’oignons! C’était une blague! Cher Abou. On s’est dit au revoir, « sans rancune sans regrets ». J’étais soulagée qu’on se quitte sur une bonne note.

Dans l’autobus, j’ai vécu mes derniers moments de pure Afrique. À la radio, un mélange de musique africaine, de Francis Cabrel, de Jean-Jacques Goldman, et bien sûr, We are the world, avec tout l’autobus qui chante le refrain. Ah la la!


Préjugés prédépart revisités
Je vais être malade...
Eh bien oui, j’ai été malade. Rien pour me rapatrier, mais assez pour me faire pleurer. Je savais que j’étais entre bonnes mains avec Ève qui est infirmière, et je lui dois une fière chandelle. Je vois mon médecin cet après-midi pour m’assurer que la guérison va bien.

Je vais perdre 20 livres
Malheureusement non. Tout au plus 10, que je devrais sans doute reprendre quand je vais reprendre goût à la nourriture. Pendant mon séjour,j’ai quand même mangé mon quota de riz sauce, et de sandwich à la viande hachée. Je ne peux pas dire que le Burkina soit réputé pour sa fine cuisine, mais je n’ai pas eu faim!

Je vais trouver ça tough, je vais être révoltée...
J’ai effectivement trouvé ça tough. Ève avait raison. Ce n’est pas « beau » le Burkina. C’est sec, poussiéreux, pas du tout moderne. On ne peut pas se dire « Aujourd’hui, j’oublie que je suis ici et je me paie une journée à l’occidentale. » Le décor nous rattrape. Mais ce n’est pas laid non plus. C’est juste pauvre, sec et poussiéreux. Il faut dire que je ne suis pas venue à la bonne saison. Il paraît que pendant la saison des pluies, c’est vert.
Contrairement à ce que j’avais vécu en Côte d’Ivoire, je n’ai pas été envahie physiquement, les gens n'étaient pas dans ma bulle. Mais d’être toujours sollicitée « hey Toubabou hey la blanche hey la blanche la blanche la blanche la blanche » jusqu’à m’arracher un « bonjour ça va et chez vous et la santé… »… Je ne m’y suis pas habituée et ça m’a enlevé complètement l’envie d’aller me promener.
C’est ce qui m’a manqué le plus, les contacts humains. Simples. Je ne pouvais pas m’attendre à avoir des contacts d’égal à égal (il ne faut pas se leurrer, on n’est pas perçu de la même façon quand on a la peau blanche, jamais), mais j’espérais qu’à la longue, je finirais par avoir des amis. Avec qui aller me promener, avec qui aller boire un verre. Mais je ne me suis pas rendue là. J’ai flanché avant. Je pense que quelque part, c’était comme pour le travail, une partie de moi me disait « et si tu restes, malheureuse, et que rien ne change, pourquoi auras-tu tant attendu? » J’avais atteint ma limite. Et je m’en rends compte encore plus maintenant quand je me retrouve avec mes amis et que j’ai envie de pleurer tellement je suis reconnaissante d’être tant aimée. Même si pour le moment je le prends à petite dose. Je prends le temps de revenir.

Comme je l’écrivais à ma marraine, une chose s’est clarifiée, ma place à moi est en occident. Je regarde Ève qui est bien à Bobo, c'est là chez elle maintenant. Et je trouve ça formidable. Pour moi l'important est de savoir où on se sent chez soi. Mais je n'ai jamais été malheureuse en occident, je ne suis pas outrée par nos façons de vivre même si je demeure profondément critique. Je crois que chaque peuple a ses souffrances et ses joies. Et ses défis. Je disais avant de partir pour l’Afrique que j'étais oui une intellectuelle mais que j'avais besoin aussi de l'humain. Peut-être ai-je visé trop haut en allant le chercher là. Peut-être que les défis sont trop grands pour moi.
Je pensais que ça me nourrirait d’être au Burkina, plus proche de l’humain, mais je n’ai rien vu que je ne connaissais déjà. En fait, la première réalisation que je fais, c’est que d’après moi, le problème se situe non pas dans les soins, mais dans l’éducation. L’éducation pour avoir une ouverture au problème de la pollution qui est criante, hallucinante. Au problème de l’hygiène, au problème de la malnutrition, au problème du VIH. Si on n’en est pas conscient, si les parents n’en sont pas conscients, les enfants grandissent là-dedans sans se poser de question. Et le problème reste. Je ne suis pas nourrie par la pauvreté, par la maladie. Ça me rappelle la chance que j’ai, la chance qu’on a, mais je ne suis pas convaincue qu’en restant là-bas j’aurais pu grandir encore. 

N'empêche, je suis contente d'être allée. C'était un rêve que j'avais depuis si longtemps, et j'avais besoin d'aller voir. Je suis convaincue que ce type d'aventures convient à certains, et je pense que dans d'autres circonstances, j'aurais pu y trouver mon compte. Cette expérience m'a beaucoup appris sur ce que je suis et ce que je veux. Je ne regrette rien et je remercie toutes les personnes qui ont été là pour moi, au Burkina et ailleurs dans le monde.
Merci à tous d’avoir partagé cette aventure avec moi. Merci pour votre support. Au plaisir de vous revoir

Petits clins d'oeil 


Un petit feu de poubelle pour bien se réchauffer!


Hum... je prendrais bien ce pantalon, non, celui à la branche du dessus!


Pas besoin d'entrer voir, tout est là pour le plaisir des yeux!

 Est-ce que vous voyez bien ce qu'il transporte, le monsieur? Et on les entendait crier, ces pauvres bêtes!

J'ai quand même réussi à freiner mes élans de magasinage, même si pour les motos et les souliers, ça a été dur vu le grand choix offert!


Sunday, February 13, 2011

tout va mieux qui finit bien

Bonjour à tous
Merci pour tous vos messages. Merci pour votre support. La santé se rétablit tranquillement, je ne fais plus de fièvre, on a enfin trouvé ce que j'avais, une amibiase, des organismes unicellulaires logés dans mes intestins. Je prends les médicaments qu'il faut, je retrouve peu à peu l'appétit (peu à peu c'est le cas de le dire!) et les nausées se font moins fréquentes. Tout va bien aller.

Et j'ai décidé de rentrer. Et je suis bien avec ça. C'est bien réfléchi et bien accepté. J'espère que vous ne m'en voudrez pas de vous priver de 3 mois d'aventures africaines! Mais on en vivra d'autres ensemble, pour les gens du Québec du moins.
Je rentre donc mercredi, je devrais être à Sherbrooke en fin de semaine.

Je vais sans doute avoir d'autres aventures à vous raconter, puisque je vais faire une journée de dépistage en brousse demain avec l'équipe de REVS+. Le jour de la Saint-Valentin, drôle de moment pour faire ça, mais bon. Ce sera de la piqûre à la chaîne, on va s'apporter beaucoup d'eau et beaucoup de courage. Je vous raconterai.
Bon dimanche à tous et à très bientôt!

Friday, February 11, 2011

quand ça va mal...

Mercredi, j’ai écrit à ma cousine agente de voyage pour savoir ça coûterait combien de revenir plus tôt, genre maintenant. Je n’en pouvais plus, je dépérissais. J’ai écris à ma marraine et à une amie ce que je vivais pour qu’elles m’aident à voir clair. Je ne suis pas utile! On m’occupe pour me faire plaisir mais je sers à rien, je fous rien, j’attends et on continue de me dire d’être patiente. Mais patiente pour quoi? Pour qui? Pour moi? Mais moi j’ai pas besoin d’être ici! Je pensais tellement que je pourrais être utile, mais je me heurte à des portes fermées. Les gens sont gentils et accueillants, mais ils n’ont pas besoin de moi. Je suis venue ici comme bénévole, sans organisme pour me prendre en charge, sans compétences particulières, alors c’est normal que ce soit dur. Même ceux qui viennent ici avec un contrat ont du mal à s’occuper! Alors vous imaginez moi. En même temps, j’ai de comptes à rendre à personne, je n’ai pas de contrat, rien du tout. Alors je fais ce que je veux… pour le meilleur et pour le pire.
Pendant toutes ces longues heures à ne rien faire, j’essayais de me dire de voir ça comme des vacances dans le sud. Mais un mois dans le sud, je dépérirais aussi, je vous jure! Alors je m’éteins.  Je ne ris plus, je ne rayonne plus, je ne souris plus. Et à la maison ça devient lourd parce que je ne suis pas bien. Et voilà, pendant que j’étais occupée à me poser un million de questions, pendant que j’étais incapable de me décider, hop, mon corps décide de me parler. Ça fait maintenant 3 jours que je ne mange pas, diarrhée, maux de tête, fièvre, nausées, vomissements. Je prends tout ce qu’il faut. Anti-malaria, anti-diarrhée, anti-nausée, anti-fièvre, antibiotiques, réhydratation par IV. Et je reste faible et j’ai envie de rien. Rien de rien.
Hier j’ai eu une bonne discussion avec Ève, sur ma présence ici. En fait, si j’attends encore après REVS+, l’organisme où Ève travaille qui s’occupe des personnes atteintes du VIH, je vais attendre encore et encore.  Il faut que je trouve moi-même de quoi m’occuper. Ève m’a proposé d’organiser un groupe d’enfants du quartier pour nettoyer les espaces vides autour de la maison. Si vous voyiez… Alors sensibiliser en ramassant les déchets, en triant pour récupérer les sacs de plastique qu’un organisme ici ramasse, brûler ce qui peut l’être et envoyer aux ordures le reste (ici il faut payer pour qu’on ramasse les ordures… d’où les déchets partout!). Juste à l’idée de faire quelque chose, je reprenais vie, je retrouvais un peu d’entrain.
Mais je continue à être malade, et je perds un peu plus de mon énergie. Je viens de recevoir la réponse, je pourrais revenir le 16!!! Et je ne sais pas quoi faire. Je me demande pour qui je resterais. Est-ce que je veux rester? C’est sûr que rentrer, c’est compliqué, vu que je n’ai pas d’argent, pas de travail, pas de logement. Mais comme c’est chez moi, je sais comment m’arranger. Et j’ai tout mon monde autour de moi pour m’appuyer. Je ne sais pas, je ne sais plus, je suis perdue…
Je pense que je ne reviendrai pas le 16, mais je vais vivre ça au jour le jour. Je vais me donner une autre chance, mais je vais rester à l’écoute parce que je ne m’aime pas comme ça. Et je ne suis pas convaincue que je doive absolument « tougher » si ça me rend si … pas heureuse.
Je vous tiens au courant.

Saturday, February 5, 2011

ah la différence!

Bon, je pense que je suis définitivement arrivée en Afrique. Je pense que j’ai arrêté de résister, je suis maintenant ici comme je serais ailleurs. Ça fait du bien! Mais oh que la vie est différente!!!
Mercredi, c’était ma journée à moi de moi. Je me suis inscrite à un endroit qui s’appelle le Club Muras, où il y a piscine, tennis, badminton, squash, et bar. Donc mercredi matin, j’avais un cours de tennis à 9h (ihhhh je suis pas en forme, mais c’est tellement l’fun!), puis j’ai lu sur le bord de la piscine jusqu’à midi. Je suis allée manger une pizza dans un resto libanais (j’avais un craving de pizza depuis 2 jours), la pizza était moyenne, avec pâte pas assez cuite qui goûte la poudre à pâte, et pas d’ambiance dans le resto – il faut dire qu’on peut avoir un riz sauce pour 300 francs (60 sous), alors payer 4000 francs (8 dollars) pour une pizza, c’est pas tout le monde qui le fait! Mais moi ça m’a fait du bien au moral. Ensuite, je suis revenue au club muras par le marché central. Bon, si dans n’importe quelle rue je me fais crier « touBAbou touBAbou touBAbou » (la blanche) par les enfants, et « hey la blanche » par les ados (ce que je dois dire me dérange un brin), au marché, si je n’ai pas l’air absolument affairée et de savoir où je m’en vais, c’est terminé, je me fais arrêter de tout côté pour me faire vendre des affaires. Moi qui adore me promener dans les magasins, c’est une torture de ne pas m’arrêter pour regarder, mais comme c’est de ma survie mentale qui est en jeu, je passe mon chemin en regardant à la dérobée. J’ai continué à me prélasser sur le bord de la piscine jusqu’à 4h, puis je suis rentrée à la maison.
Jeudi matin, j’ai travaillé avec Eve… il y avait foule, on a clanché dans les dossiers, c’était super! Plein de travail efficacement abattu! Youppi! Et l’après-midi, il y avait le groupe d’échange des enfants infectés. Au début, l’animateur traduisait tout. J’ai demandé à ma voisine s’il le faisait juste pour moi ou s’il y avait des enfants qui étaient plus à l’aise en français. Non, c’était pour moi, alors j’ai fait signe à l’animateur de continuer juste en dioula. J’avais vraiment l’impression que ça tuait l’ambiance de tout traduire, et de toute façon, moi, je sais ce que sont les CD4 et comment les microbes et virus s’attaquent à eux. Alors j’ai passé une heure à écouter sans rien comprendre, mais j’étais tellement heureuse d’être là, avec les enfants qui lèvent leur main pour répondre à une question, des fois en disant volontairement des conneries qui font rire tout le monde. C’était vraiment génial.
Quand je suis rentrée, on a mangé devant « Slumdog millionnaire » avec Eve, Abou et Moussa. Moi je serais bien allée me coucher, mais Eve voulait aller prendre une bière… embarque dans le char, qui a du mal à partir. Hum, j’aime pas ça. Mais on avance quand même, à peine. C’est probablement qu’on manque d’essence, que Eve dit. QUOI? Moi je débarque ici, j’ai pas envie de marcher plus que ça pour rentrer. Mais Abou donne du gaz, le moteur arrête, mais il ne freine pas sur les bosses pour qu’on se rende le plus loin possible. C’est qu’il y a une station essence où on peut aller chercher quelques litres pas trop loin. Moussa prend un bidon, Abou et Eve sortent de la voiture. Et moi je reste dedans. Abou vient à ma fenêtre et dit « tu es découragée? » METS-EN! Ça existe même pas des pannes d’essence! Comment peux-tu faire une panne d’essence? Eve m’explique que ça arrive souvent, on met juste 1500-2000 francs (3-4$) à la fois vu qu’on a rarement plus. Bon, ok. Abou me dit avec un sourire en coin « c’est l’Afrique ».  Quand Moussa est arrivé avec le bidon, on a mis l’essence, mais là la batterie était à terre. WHAT? Alors on a tous poussé, et le moteur est reparti.
Vendredi, il y avait peu de travail à la clinique alors j’ai appelé Abou pour qu’il me ramène à la maison. Mais comme j’étais pas pressée, j’ai décidé de faire le taxi avec lui. J’adore ça. Même si j’ai encore parfois l’impression que les rues changent de place. Je ne me retrouve pas du tout dans Bobo, quelques endroits au centre-ville et comment arriver chez moi… et encore, pas toujours. On roulait, tranquille, quand quelque chose lâche et si Abou avait pu sacrer, il l’aurait sans doute fait. L’auto avait passé la semaine au garage (transmission brisée, courroie de chépaquoi coupée…) ça lui avait coûté une fortune, et là autre chose lâchait. Mais tout est usagé ici, les courroies, les transmissions, les pneus (on m’a dit que les crevaisons étaient monnaie courante…), c'est donc plus probable que les trucs lâchent à rien. Donc on s’est rendu de peine et de misère au garage, et là il me dit que ce sera pas long, le garagiste va faire ça tout de suite (terme très relatif), lui doit seulement aller chercher une courroie tout près. J’attends, j’attends, quelques enfants viennent me voir, puis plus, puis plus. Je suis entourée d’une dizaine de petites filles qui me parlent en dioula. Pas grave. On s’assoit à l’ombre, certaines me jouent dans les cheveux, d’autres prennent mes mains, avec d’autres on joue aux chatouilles. Je m’amuse ferme! Une femme puis une autre approchent et me parlent sans que je comprenne. Je crie à Abou d’approcher, je ne voudrais surtout pas faire quelque chose d’inconvenant, mais non, elles craignent seulement que les enfants me dérangent. J’ai dû rester là une heure avec les enfants. C’était vraiment bien.
Oui, j’aimerais ça travailler avec les enfants. Mais je ne sais pas encore de quoi sera fait mon séjour, si chaque semaine sera différente comme c’est le cas présentement, ou si j’aurai une routine quelconque. On verra. Pour l’instant, ça va.
Anecdote... Hier soir, on est sorti souper au resto et Eve et moi parlions du Québec, comment les gens sont stressés comparativement à ici. Et Abou dit "stressé? ça veut dire quoi?"

Tuesday, February 1, 2011

de l'aide comme je peux

Aujourd’hui j’ai fait mon premier dépistage VIH. Et il était négatif! C’est comme un test de grossesse, mais avec du sang. On pique le bout du doigt, on ramasse le sang, on le met sur une languette, on ajoute une goutte d’un produit spécial, on attend quelques minutes et bingo! J’étais contente qu’il soit négatif, pour mon premier. Quand on va partir en brousse faire du dépistage en série, je vais être prête.
Sinon la vie suit son cours. Disons que je suis en choc. Pas particulièrement avec le type de vie d’ici, mais avec le contraste que ça fait avec ma vie de chez nous. Je suis tellement habituée à ne jamais être chez moi, à être impliquée dans 10 000 affaires, à sortir avec des amis… quand je suis chez moi, c’est parce que j’ai besoin d’être seule, pas parce que je n’ai rien à faire! Alors qu’ici… Ben il n’y a pas encore grand-chose à faire pour moi. À la clinique, pour l’instant c’est assez tranquille, bien qu’on m’ait avertie qu’avec le début du mois, ça allait chauffer avec les gens qui viennent chercher leurs médicaments. C’est ce que je trouve le plus dur, l’inactivité, avec le fait de ne pas avoir d’endroit comme la Mare au diable à Sherbrooke où je peux aller rejoindre des amis… Je sais je sais, c’est normal au début et bla bla bla, je sais bien ce que vous allez me dire, mais ça n’empêche pas le fait que pour l’instant, je me raccroche à des petits événements, que je vous raconte ici, pour ne pas trop m’éteindre.
Il y a quand même du bon. Avec les dons que j’ai ramassé avant de partir, j’ai pu jusqu’à maintenant payer des tests à des personnes qui n’avaient pas les moyens de se les payer. Par exemple, lorsqu’une personne atteinte commence la trithérapie, son système immunitaire redevient plus fort, c’est ce qu’on mesure en comptant le nombre de CD4 pour voir si le système reprend le dessus. Mais quand le nombre de CD4 demeure bas, ça peut vouloir dire 2 choses (que je connais). La première, c’est que la trithérapie ne fonctionne pas, ce qu’on appelle un échec thérapeutique, qui peut être géré en changeant les médicaments. La deuxième, c’est que le traitement fonctionne, le virus est contrôlé, mais que le système est descendu trop bas pour remonter beaucoup. Mais pour savoir quelle option est la bonne, il faut faire le test de la charge virale, pour savoir à quel point le VIH est contrôlé. Mais ce test, on ne le fait pas à la clinique, et ça coûte 17 500 francs CFA (35$), une fortune. Sans ce test, on peut changer de traitement inutilement (ce qui coûte aussi très cher) ou bien continuer un traitement qui ne fonctionne pas sans le savoir, et la personne dépérit. Eh bien l’argent amassé lors du concert bénéfice a déjà servi pour faire ce test la semaine passée, et une autre a eu une échographie aujourd’hui, qui a coûté 15$. On va pouvoir en aider, hein, du monde?
En terminant, je vous envoie deux photos, la première pour vous donner une idée de la visibilité quand il y a autant de poussière sur la route, et l’autre, c’est la vue (avec le bruit que vous pouvez imaginer) du balcon de la maison!